(1) A MONSIEUR L'ABBÉ DE R***. Il y a déjà plusieurs années, mon cher abbé, que je vous ai offert la première ébauche de mon travail sur l'Histoire de l'ancienne Grèce ; mais je me suis aperçu depuis combien ce présent étoit peu digne de vous. Horace étoit un grand maître; et j'ai appris par mon expérience qu'il est dangereux de ne pas laisser múrir pen dant plusieurs années ses écrits dans son porte-feuille : nonum prematur in annum. Mably. Tome IV. II ) Il est impossible de juger avec justice un ouvrage qu'on vient de finir; il faut l'oublier; on le revoit alors de sang-froid et avec les nouvelles connoissances qu'on a acquises; notre amour-propre d'auteur ne nous dérobe plus nos erreurs et nos fautes; il nous les présente, au contraire, comme autant de preuves des progrès que nous avons faits. L'ouvrage que je vous adresse aujourd'hui n'est encore qu'une suite de réflexions sur les moeurs, le gouvernement et la politique de la Grèce; j'y recherche les causes générales et particulières de sa prospérité et de ses malheurs. Ilm'arrive souvent aujourd'hui de louer ce que j'ai blámé dans mes premières observations, et de blâmer les mêmes choses que j'ai louées; c'est qu'il y a eu un temps où je regardois de certaines maximes sur la grandeur, la puissance et la fortune des |