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sons, parce qu'ils avoient avec eux Onomacrite d'Athènes, devin célèbre, qui faisoit (13) commerce des oracles de Musée. Ils s'étoient réconciliés avec lui avant que d'aller à Suses. Car il avoit été chassé d'Athènes par Hipparque, fils de Pisistrate, parce que Lasus (14) d'Hermione (a) l'avoit pris sur le fait, comme il inséroit parmi les vers de Musée un Oracle qui prédisoit que les îles voisines de Lemnos disparoîtroient de la mer (b). Hipparque l'avoit, dis-je, chassé par cette raison, quoiqu'auparavant il eût été lié avec lui de la plus étroite amitié. Mais étant allé en ce temps-là à Suses avec les Pisistratides, comme ceux-ci en parloient au Roi d'une manière honorable, toutes les fois qu'il se présentoit devant ce Prince, il lui récitoit des oracles. S'il y en avoit qui annonçassent un malheur au Barbare, il les passoit sous silence, mais faisant choix de ceux qui prédisoient d'heureux événemens, il lui disoit, en parlant du (15) passage de son armée en Grèce, qu'il étoit écrit dans les destinées qu'un Perse joindroit les deux bords de l'Hellespont par un pont.

VII. Ce fut ainsi qu'Onomacrite, par ces oracles, et les Pisistratides et les Aleuades par leurs conseils persuasifs, portèrent Xerxès à faire la guerre aux Grecs. Cette résolution prise, ce

(a) Voyez la Table Géographique.
(b) Seroient submergées.

Prince commença par les Egyptiens qui s'étoient révoltés. Il les attaqua la seconde année après la mort de Darius. Lorsqu'il les eut subjugués, et qu'il eut appesanti leurs chaînes beaucoup plus que n'avoit fait son père, il leur donna pour (16) Gouverneur Achéménès son frère et fils de Darius. Ce Prince fut tué dans la suite par Inaros, fils de Psammitichus, Roi de Libye (a).

VIII. L'Egypte ayant été soumise, et Xerxès étant sur le point de marcher contre Athènes, ce Prince convoqua les principaux d'entre les Perses, tant pour avoir leurs avis, que pour les instruire de ses volontés. Lorsqu'ils furent assemblés, il leur parla en ces termes : « Perses, je ne » prétends (17) pas introduire parmi vous un >> nouvel usage, mais suivre celui que nous ont >> transmis nos ancêtres. Depuis que Cyrus a >> arraché la Couronne à Astyages, et que nous » avons enlevé cet Empire aux Mèdes, nous ne >> sommes jamais restés (18) dans l'inaction, » comme je l'ai appris de nos Anciens. Un Dieu >> nous conduit, et sous ses auspices nous mar>>chons de succès en succès. Il est inutile de vous

parler des exploits de Cyrus, de Cambyses, de >> Darius mon père, et des Provinces qu'ils ont >> ajoutées à notre Empire, vous en êtes assez » instruits. Quant à moi, du moment où je suis » monté sur le trône, jaloux de ne point dégé

(a) Voyez liv. 111, §. XII, note 15.

» nérer de mes ancêtres, je songe comment je » pourrai procurer aux Perses une puissance » non moins considérable que celle qu'ils m'ont » laissée. En y réfléchissant, je trouve que nous >> pouvons illustrer de plus en plus notre nom, » acquérir un pays qui n'est pas inférieur au »> nôtre, qui même est plus fertile, et que nous » aurons en même temps la satisfaction de punir >> les auteurs des injures que nous avons reçues, >> et de nous en venger. Je vous ai donc convoqués » pour vous (19) faire part de mes intentions. » Après avoir construit un pont sur l'Helles>> pont, je traverserai l'Europe pour me rendre » en Grèce, afin de venger et les Perses et mon » père, des insultes des Athéniens. Vous n'ignorez > point que Darius avoit résolu de marcher contre >> ce peuple. Mais la mort ne lui a pas permis de satisfaire son ressentiment. C'est à moi à venger » et mon père et les Perses, et je ne me désisterai >> point de mon entreprise que je ne me sois rendu » maître d'Athènes, et que je ne l'aie réduite en >> cendres. Ses habitans, vous le savez, ont com» mencé les premières hostilités contre mon père >> et contre moi. Premièrement, ils sont venus » à Sardes (a) avec Aristagoras de Milet notre » esclave, et ils ont mis le feu aux Temples et >> aux Bois sacrés. Que ne vous ont-ils pas fait >> ensuite à vous-mêmes, quand vous êtes allés

(a) Voyez liv. v, S. XCIX et cv.

» dans leur pays sous la conduite de Datis et » d'Artaphernes? Personne d'entre vous ne >> l'ignore. Voilà ce qui (20) m'anime à marcher >> contre les Athéniens. Mais en y réfléchissant, >> je trouve un grand avantage à cette expédition. >> Si nous venons à les subjuguer eux et leurs voi» sins, les habitans du pays de Pélops (a) le Phry»gien, la Perse n'aura plus d'autres bornes que »le (b) ciel, le soleil n'éclairera point de pays » qui ne nous touche, je parcourrai toute l'Eu» rope, et avec votre secours je ne ferai de la terre >> entière qu'un seul Empire. Car on m'assure » que les Grecs une fois réduits, il n'y aura plus >> de ville ni de nation qui puissent nous résister. » Ainsi, coupables ou non, tous subiront égale>>ment notre joug. En vous conduisant ainsi, vous >> m'obligerez sensiblement. Que chacun de vous » se hâte de venir au rendez-vous que j'indi» querai. Celui qui s'y trouvera avec les plus >> belles troupes, je lui ferai présent des choses >> que l'on estime le plus dans ma (21) maison. >> Telle est ma résolution. Mais afin qu'il ne pa>>roisse pas que je veuille régler (22) tout par mon » seul sentiment, je vous permets de délibérer

(a) Hérodote s'est servi à dessein de cette tournure, afin de faire sentir que Pélops étant Phrygien, et par conséquent esclave des Perses ( voyez ci-dessous, §. x1), le pays où domina ensuite ce Phrygien devoit lui appartenir à lui qui étoit son maître.

(6) Dans le grec: Le ciel de Jupiter.

» sur

» sur cette affaire, et j'ordonne à chacun de vous » de m'en dire son avis ».

IX. Xerxès ayant cessé de parler, Mardonius prit la parole: « Seigneur, vous êtes non-seule»ment le plus grand des Perses qui aient paru >> jusqu'ici, mais encore de tous ceux qui naîtront » dans la suite. J'en atteste les choses vraies et >> excellentes que vous venez de dire, et cette >> grandeur d'ame qui ne souffrira point que les » Ioniens (a) d'Europe, ce peuple vil et méprisable, nous insultent impunément. Si dans la >> seule vue d'étendre notre Empire, nous avons >> soumis les Saces, les Indiens, les Ethiopiens, » les Assyriens, et plusieurs autres nations puis»santes et nombreuses, qui n'avoient commis >> contre nous aucune hostilité, ne seroit-il pas >> honteux que nous laissassions impunie l'inso»lence des Grecs, qui ont été les premiers à nous >> insulter? Qu'avons-nous à craindre? seroit-ce » la multitude de leurs troupes, la grandeur de >> leurs richesses? nous n'ignorons ni leur ma>>nière de combattre, ni leur foiblesse. Nous >> avons subjugué ceux de leurs enfans qui habi>>tent notre pays, et qui sont connus sous les >> noms d'Ioniens, d'Eoliens et de Doriens. Je » connois par moi-même les forces des Grecs ; » j'en fis l'épreuve, lorsque je marchai contr'eux » par ordre du Roi votre père. Je pénétrai en

(a) Les Athéniens.

Tome V.

B

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