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II.

CHANT DES ARVALES.

(Date incertaine.)

Quelques fragments relatifs au culte des frères Arvales, épars dans divers recueils d'inscriptions latines, avaient peu attiré l'attention des érudits, lorsque, à la fin du dernier siècle, des fouilles amenèrent la découverte d'une longue inscription qui, au milieu de nombreux détails sur les cérémonies confiées au collége des Arvales, contenait le texte même du chant traditionnel consacré dans ces cérémonies. Le savant Marini rassembla bientôt tout ce que les marbres et les auteurs classiques nous apprenaient sur cette corporation; ce fut l'objet de son immortel ouvrage intitulé: Gli Atti e monumenti dei fratelli Arvali', où il restaura avec une admirable sagacité toute l'histoire des frères Arvales depuis l'origine de leur institution, remontant peut-être à Romulus même, jusqu'au III° siècle de l'empire romain. Dès lors le chant des Arvales, considéré à juste titre comme le plus ancien monument de la langue latine, ne manqua pas d'interprètes; mais, quoique l'inscription qui nous l'a transmis date du règne d'Élagabale2, et qu'ainsi bien des formes de l'original aient dû se rapprocher, dans les copies successives, d'un latin plus moderne 3, néanmoins la langue du cantique arvale reste tellement éloignée de celle des monuments jusqu'ici connus, que tous les efforts de la philologie n'en ont pas encore pu amener une explication définitive. Lanzi ouvrit la carrière en fournissant à Marini le premier essai de traduction 4. Le dernier des successeurs de Lanzi, M. Klausen, n'a

(1) Rome, 1795, 2 vol. in-4°. (Cf. Orell., Inscr. lat., c. v, §. 10, t. I, p. 392.) (2) An 218 de notre ère.

(3) Marius Victorinus, de Orthogr., p. 2458; Putsch (11 Gaisf. ) : « Græci in casu dativo tam litteræ quam ∞, adjiciebant juxta : ita nostri ut apparet ex libris antiquis fœderum et ex legum, qui, etsi frequenti transcriptione mutantur, tamen retinent antiquitatem : nam o non solum pro brevi et pro longa, sed et pro u poni, ut pro populus, ibi popolus: et ubi piaculum, ibi piacolum : sic et pro huic hoic: pro funus fonus: item alia multa. >>

(4, Atti, etc., p. 602, sq. Cf. Saggio di lingua Etrusca, I, 8, §. 1, t. I, p. 142 sqq.

guère fait que proposer quelques conjectures nouvelles. L'intéressante monographie qu'il a publiée, de Carmine fratrum Arvalium', résume du moins assez nettement les travaux antérieurs sur ce difficile sujet ; et nous pouvons y renvoyer les lecteurs qui n'auraient pas le loisir de suivre Marini dans ses savantes, mais un peu prolixes recherches. Pour nous, dans les bornes étroites où nous sommes enfermés, il nous suffira de reproduire la partie principale de la grande inscription de Marini, avec toutes les variantes qu'y offre le texte trois fois répété du chant arvale. Nous donnerons ensuite la traduction de Lanzi et celles de trois philologues modernes, laissant à de plus habiles le soin de choisir entre les variantes et les versions proposées. Nous n'essaierons pas non plus d'appliquer à ce vieux texte la métrique du vers saturnin, comme l'ont voulu M. Hermann2, M. G. F. Grotefend3 et après eux M. Klausen. De pareilles tentatives nous paraissent au moins hasardeuses et prématurées. Seulement pour que nos lecteurs puissent les apprécier, nous reproduirons ces trois essais. La question du vers saturnin reviendra d'ailleurs un peu plus bas, nos III, IV, XIII et XIV.

ACTA FRATRUM ARVALIUM, apud MARIN., Atti, etc., Tab. XLI : a ——— Deinde (sacerdotes) in ædem intraverunt, et ollas precati sunt, et osteis apertis per clivum jacuerunt; deinde subsellis marmoreis consederunt, et panes laureatos per publicos partiti sunt, ibi omnes lumemulia cum rapinis acceperunt, et Deas unguentaverunt, et ædes clusa est; omnes foris exierunt: ibi sacerdotes clusi, succincti, libellis acceptis, carmen descindentes tripodaverunt in verba hæc : << Enos lases iuvate, enos lases iuvate, enos iases iuvate, neve luaerve marma sins incurrere in pleores, neve luer ve marmar [si]ns incurrere in pleoris, neve luer

(1) Bonnæ, 1836, in-8°.

612 sqq.

(2) Elementa doctrinæ metricæ, III, 9, §. 6, p.
(3) Grössere lateinische Grammatik für Schulen, t. II, p. 290.

(4) Citons sur ce mot une conjecture ingénieuse d'O. Müller Præf. ad Festum, p. 34, note 3 : « Non injuria ad Verrium revocabimus vocabula multa perantiqua, quæ in veteribus glossis reperiuntur, ut illud: Belues, egestas quæ solet contingere per vastitatem. In his belues scriptum puto pro velues, i. e. velues dictum, ut Ve-jovis; hinc jam interpretari audeo antiquissimi Arvalium fratrum cantici initium : Enos Lases iuvate. Ne veluervem, etc., ubi adhuc distinguebatur neve-luervem. »

ve marmar sers incurrere in pleoris. Satur furere mars limen, [sal]e sta berber, satur fufere mars limen sall sta berber, satur fufere mars limen, sall sca berber. [Sem]unis alternei advocapit conctos, semunis alternei advocapit conctos, simunis alternip advocapit [conct]os. Enos marmor iuvato, enos marmor iuvato, enos mamor iuvato. Triumpe, triumpe, triumpe, trium [pe, triu]mpe. » Post tripodationem deinde, signo dato, publici (servi) introierunt et libellos receperunt 2.

TRADUCTION DE LANZI.

Nos, Lares, juvate (ter). Neve luerhem (luem), Mamers, sines incurrere in flores (ter). Ador fieri, Mars, lumen maris siste berber (ter). Semones, alterni advocate cunctos (ter). Nos, Mamuri, juvato (ter). Triumphe (quinquies).

TRADUCTION DE M. HERMANN.

Nos, Lares, juvate, neve luem, Mamuri, siris incurrere in plures satur fueris, Mars: limen i. e. postremum, sali, sta, vervex: Semones alterni, jam duo capit cunctus.

TRADUCTION DE M. GROTEFEND.

Age, nos, Lares, juvate! Neu luem, Mars, siris Incurrere in plures! Satur furere, Mavors,

(1) Semones dici voluerunt deos quos nec cœlo dignos adscriberent ob meriti paupertatem, sicut sunt Priapus, Hippona (7. Epona Cf. FORCELL., Lex., s. v.), Vertumnus; nec terrenos eos deputare vellent, pro gratiæ veneratione. Sicut Varro in Mystagogico ait : « Semoneque inferius derelicto, Deum depinnato attollam orationis eloquio. » ( Fulgentius PLANCIADES, S. v.)

(2) Dans le monument original, comme dans la plupart des monuments de ce genre, la ponctuation est nulle ou fort arbitraire; nous avons voulu y suppléer ici. Nous donnerons seulement plus bas, dans les inscriptions des Scipions, quelques exemples de la ponctuation suivie sur les marbres; mais nous aurions multiplié sans profit les difficultés pour nos lecteurs, en imitant sous ce rapport avec une trop minutieuse exactitude l'orthographe des nombreux textes épigraphiques qui font partie de notre recueil.

Lumen solis sta fervere! Semones alterni

Advocate cunctos! Age, nos, Mavors, juvato.
Triumphe, triumphe.

TRADUCTION DE M. KLAUSEN.

Age, nos, Lares, juvate. Neve luem, Mars, sinas incurrere in plures satur furere, Mars, pede pulsa limen, sta verbere : Semones alterni advocabite cunctos: Age, nos, Mars, juvato. Triumphe, etc.

RESTITUTION MÉTRIQUE DE M. HERMANN.

Enos, Lases, juvate:

Neve luerve, Marmar, sirs incurrere in pleoris, Satur fufere, Mars: limen sali, sta, berber: Semones alterni, jam duo capit conctos.

Enos, Marmor, juvato

Triumpe, triumpe.

RESTITUTION MÉTRIQUE DE M. GROTEFEND.

Ennós, Lasés, juváte! Néve lúerem, Mars, sins
Incúrrere in pleóris! Sátur fúrere, Mármar
Limén salís sta bérber! Sémunís altérnei
Adúocapit conctós! Ennós, Marmór, juváto!
Triúmpe, Triúmpe!

RESTITUTION MÉTRIQUE DE M. KLAUSEN.

E nos, Lases, juvate

Neve luerve, Marmar, sins incurrere in pleoris : Satur furere, Mars, limen sali, sta berber : Semunis alternei advocapit conctos

E nos, Marmor, juvato:

Triumpe, triumpe, triumpe, triumpe, triumpe.

III.

CHANT DES SALIENS.

(Date incertaine.)

Témoignages et fragments recueillis par Tob. Gutberleth de Saliis Martis sacerdotibus apud Romanos, in Poleni Suppl. Thes. Antiq. Grav., t. V, p. 690-743.

Les passages classiques à consulter sont, outre les textes cités plus bas Denys d'Halicarnasse, Antiq. Rom., II, ch. 70 et suiv. Plutarque, Vie de Numa, ch. 13. Quelques fragments qui manquent ici se trouvent parmi ceux du commentaire d'Elius Stilon, plus haut, no 1, §. 1, p. 5.

En reproduisant les rares débris qui nous restent de ces hymnes, nous userons de la même réserve que pour le Chant des Arvales et les lois royales. Nous ne croyons pas qu'à moins de lumières nouvelles et imprévues, la critique puisse expliquer définitivement certaines lignes de pareils textes. Quant aux expressions moins obscures et déjà interprétées par les grammairiens qui nous les ont transmises, il y a une observation à faire, c'est qu'elles peuvent bien ne pas remonter aussi haut que la première rédaction de l'hymne dont elles faisaient partie au temps de Sylla ou de Cicéron. De siècle en siècle les formules de ce genre devaient être remaniées et interpolées : on sait au moins d'une manière certaine que la flatterie introduisit de nouveaux noms de divinités dans les livres des Arvales et des Saliens, insertion qui put en amener plusieurs autres 1. Qui affirmera, par exemple, que les dieux Lares invoqués par les Arvales, en latin presque moderne, à la première ligne de l'hymne que nous lisons aujourd'hui, le fussent dès la fondation de ce culte, attribuée à Romulus ? Ainsi les chants Saliens que commentait Ælius Stilon contenaient peut-être bien des mots d'une date postérieure au règne de Numa.

(1) V. Marini, l. c., Inser. 15, 25, 32, 43. Gutberleth. I. c., c. 20.

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