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Vous souhaitez en terminant que les érudits s'occupent davantage des anciennes mesures provinciales. Je crains que votre mémoire n'ait pas pour effet de les encourager; si, pour déterminer à quoi répondent les mesures, il fallait savoir tant de choses et si difficiles, bien peu de chercheurs pourraient se mettre à la besogne.

La tâche est heureusement moins redoutable. Les archivistes, en préparant leurs inventaires, en dépouillant leurs dossiers, rencontrent, sur les mesures de l'Ancien Régime et même du Moyen Age, nombre d'indications; qu'ils les recueillent et, au bout de quelques années, ils auront, sans recherches spéciales, les éléments d'un mémoire. Pour mettre en œuvre ces éléments, quelques notions générales leur seront utiles; il leur en faudra, je crois l'avoir démontré, beaucoup moins que vous ne pensez.

Personne, d'ailleurs, n'est mieux préparé que vous pour nous guider dans ce travail préliminaire. Si vous voulez bien oublier pendant quelques heures ce que vous savez en dehors de notre sujet et de ses alentours immédiats, dresser une bibliographie critique, dégager de vos recherches étendues quelques aperçus simples et clairs, vous rendrez aux études de métrologie rétrospective un service de plus.

Veuillez croire, etc.

BRUTAILS.

BIBLIOGRAPHIE

Harry BRESSLAU. Handbuch der Urkundenlehre für Deutschland und Italien. Ier Band, 2te auflage. Leipzig, Veit, 1912. In-8°, xvIII-746 pages.

La présente édition est une refonte complète de la première, parue en 1889. Non seulement l'œuvre est grossie matériellement (aux 746 p. de ce t. I correspondent seulement 555 p. dans la 1re édition) et la bibliographie mise au courant, mais la doctrine a été à chaque page soumise à une vérification attentive. Nous relèverons les changements qui nous paraissent les plus intéressants à signaler.

Le chapitre consacré à l'histoire de la diplomatique a dû naturellement être prolongé. L'auteur a particulièrement insisté sur les deux grands noms de Julius Ficker et de Theodor Sickel; il reconnaît à ce dernier le mérite d'avoir fait avancer cette science plus que nul autre depuis Mabillon. Dans le chapitre III (p. 45-85), consacré aux parties constitutives des chartes et aux diverses espèces d'actes, on ne trouve pas encore de changements importants; l'auteur n'a connu qu'après l'impression de son ouvrage le traité de C. Freundt (Wertpapiere im antiken und frühmittelalterlichen Recht, I, 1910), qui prend le contre-pied de Brunner et de Bresslau au sujet de la valeur de la carta, et il le discute dans les additions (p. 739). Signalons (p. 66, note 2) deux exemples de litterae clausae pour l'époque carolingienne et, pour la chancellerie pontificale, de nouveaux exemples (p. 73, note 2) d'actes sur papyrus, ainsi que des additions sur le Bene valete et la date à partir de Léon IX (p. 78-80), les privilegia communia (p. 83).

Dans le chapitre IV (p. 86-148), qui, sous le titre Ueberlieferung und Vervielfältigung der Urkunden, traite des originaux, des copies, des registres, à relever ce qui est dit (p. 87) des faux de chancellerie appelés par Giry « actes subreptices », des codices traditionum (p. 99); les pages (p. 102-116) consacrées aux registres sous l'Empire romain et à la cour pontificale sont entièrement récrites; il y a du nouveau également dans les passages traitant des registres en France (p. 125), en Sicile (p. 125), dans les chancelleries des empereurs du XIVe siècle (p. 130) et du xve siècle (p. 140), enfin des princes allemands (p. 142).

Chapitre v (p. 149-184): les Archives. Les pages sur les archives pontificales du Ixe au XIe siècle (p. 153-161) sont refaites; relevons (p. 165) que, au point de vue archivistique, Pavie et Ratisbonne, aux Ix-Xe siècles, sont de vraies capitales pour l'Italie et l'Allemagne; à signaler les débris des Archives impériales demeurés en Italie aux XIIIe et XIVe siècles (p. 171-173).

Chapitre VI (p. 184-352) : les Chancelleries des empereurs romains et des papes. Non seulement ce qui est dit des bureaux de chancellerie sous l'Empire romain est mis au courant, mais les pages (p. 225-267, 276-311) sur la chancellerie des papes jusqu'au xve siècle ont été entièrement récrites; cf. ce qui est dit des manuels connus sous le nom de liber provincialis (p. 346-352), des taxes de chancellerie (p. 329-345). A vrai dire, ce long et très important chapitre est renouvelé de fond en comble.

Chapitre VII (p. 352-582): les Chancelleries des rois et empereurs italiens, francs et allemands. Pour cet énorme chapitre il n'a pas été nécessaire d'apporter des remaniements aussi essentiels que pour le précédent. Néanmoins il y a pas mal de neuf le nombre des notaires des souverains lombards a été porté de vingt-neuf à trentesix (p. 358), la liste des référendaires mérovingiens s'est enrichie (p. 369) de trois unités. Signalons à ce propos que l'auteur ne partage pas les vues de M. Levillain sur les souscriptions que pourraient apposer aux diplômes royaux des optimates (Additions, p. 744). Somme toute, peu de changements touchant les chancelleries mérovingiennes et carolingiennes (p. 371-387). Il y a un peu plus de nouveauté sur les rois d'Italie (p. 393) et les souverains de l'Allemagne (p. 405 et suiv.). Ce n'est pas que la doctrine ait eu à subir des modifications appréciables, mais les références ont été revues et complétées, la bibliographie rafraîchie, les listes des fonctionnaires vérifiées et augmentées. Cependant elles étaient déjà si soigneusement établies que les additions sont peu copieuses. Je relève en plus, pour la chancellerie allemande d'Otton Ier, un notaire, un autre pour sa chancellerie italienne (p. 441); pour chacun des règnes de Henri V (p. 480), de Lothaire III (p. 504), de Frédéric Ier (p. 510), d'Otton IV (p. 503), de Frédéric II (p. 567), de Henri Raspe (p. 568) les recherches ont révélé un, très rarement deux notaires inconnus. Par contre, il y a lieu d'en supprimer un pour Otto II (p. 468), ainsi qu'un antichancelier et un chancelier pour Ardouin (p. 472). Mentionnons aussi la liste, qui paraît pour la première fois dans l'ouvrage, des fonctionnaires de la chancellerie de Rodolphe de Habsbourg (p. 570), une discussion (p. 450) avec Seeliger sur l'office du chef de la chapelle, la réfection des passages concernant les diplômes rédigés hors des chancelleries (p. 460463) et les taxes de chancellerie (p. 552-560), trois pages nouvelles

(p. 543-546) sur les notaires faisant partie des bureaux, mais non de la chancellerie.

Le chapitre VIII, Sonstige Kanzleibeamte und Urkundenschreiber (p. 583-635), offre un intérêt de premier ordre puisqu'il traite les destinées du tabellionnat après la chute de l'Empire romain et de l'origine et du développement du notariat italien, modèle du notariat allemand et aussi du notariat français pour le Midi et le Centre. On n'y saisit pas grand changement de principe. L'auteur n'a connu qu'en cours d'impression l'important ouvrage de Redlich, Die Privaturkunden des Mittelalters (1911); il se tient en garde (p. 611-613) contre les travaux des jeunes diplomatistes qui se refusent à voir dans les actes privés antérieurs au XIIIe siècle environ des documents de chancellerie et soutiennent qu'ils sont rédigés par les concessionnaires. Il n'y a guère à signaler comme nouveauté que des listes plus copieuses de chanceliers épiscopaux (p. 595-600) et une mise au point de la bibliographie des mémoires sur les chancelleries épiscopales (p. 600, note 5; p. 601, note 2) et princières (p. 603 et suiv.; p. 606, note 3). Peu ou pas de changement sur les origines (p. 619 et suiv.; cf. p. 92, note 3) du notariat italien.

Chapitre IX Die rechtliche Beweiskraft der Urkunden (p. 635738). Cent pages consacrées à l'étude capitale de la force probatoire et de la valeur juridique de l'acte écrit au moyen âge terminent ce premier volume. Si la doctrine constituée par les travaux de Brunner et de Bresslau lui-même n'y subit pas de refonte, sans doute parce qu'elle n'a pas été sérieusement ébranlée, dans le détail on constate quantité de précisions et d'améliorations de tous genres. Après des polémiques contre les interprétations données par Brunner et Redlich de divers textes de la Loi ripuaire (p. 640, note 4 : sur le presbyter de Lex Rib., 2, 12, identifié à tort par Brunner avec le rédacteur de l'acte; p. 649, note 2 sur la valeur juridique de la comparaison d'écriture dans Lex Rib., 59, 5, etc.), il convient de signaler l'importante note (p. 656, note 4, et p. 658) où, à propos de la valeur de l'instrument notarié après le décès des témoins, l'auteur combat une ingénieuse hypothèse de Voltelini. Celui-ci croit retrouver déjà dans l'Ordo judiciarius rédigé en France la doctrine de la célèbre décrétale d'Alexandre III sur l'acte « authentique »; selon M. Bresslau, l'Ordo n'offre aucun intérêt pour l'histoire du notariat italien; son auteur, un Français, avait sans doute en vue les premiers actes d'officialité qui apparaissent vers 1170-1180. A la page 658, note 1, il combat également Voltelini à propos de l'influence du droit canon sur le développement juridique italien, mais il accepte (p. 655) l'opinion de ce dernier sur l'influence de la doctrine des glossateurs sur la procédure, qui aboutit à munir l'acte italien de la publica fides et à le transformer en instrumentum publicum. Les

pages (p. 659-662) concernant le formulaire de l'acte italien, la ruine de la carta, l'intervention de plus en plus marquée du rédacteur, la disparition de la souscription du concédant, etc., ont été récrites. Point de changement au sujet de l'acte en Allemagne (p. 665-667), non plus que sur le Chirographe (p. 668); il n'y a ici à relever que quelques détails nouveaux inspirés de Giry et de Redlich au sujet des actes des villes du nord de la France et de l'Allemagne. La thèse de Fosco, qui attribue au chirographe une origine romaine, est rejetée dans les additions (p. 745-746). Par contre, la division où il est traité du Sceau (p. 677-732) a été très remaniée. On peut s'en rendre compte en se reportant aux pages où il est traité de la souscription par cachets (sceaux) apposés aux actes romains pour en attester la sincérité (p. 678-680), des destinées, obscures d'ailleurs, du sceau après la ruine de l'Empire (p. 681-683), à la longue note (p. 684) où est combattue l'interprétation par « Richterstab » donnée par Amira au terme sigillum dans la loi des Alamans (22, 2, 27). L'auteur maintient (p. 687) l'explication si ingénieuse qu'il a fournie de la transformation du sceau royal devenant, au cours de l'époque mérovingienne, un garant d'authenticité, et il la défend contre les atténuations de Redlich et de Koscynski (p. 688, note 5). Signalons encore qu'il se refuse à admettre (p. 690, note 2) avec M. Jusselin que les maires du palais aient scellé de leur sceau les actes royaux. Mais il se range aux vues de Redlich, qui reconnaît aux chartes des grands feudataires, à partir du Xe siècle, une valeur « dispositive identique à l'acte royal dont elles ne sont, du reste, que l'imitation. Les exemples de l'emploi ancien de sceaux épiscopaux, abbatiaux, princiers, municipaux ont été contrôlés et amplifiés (p. 694-717). L'exposé de la théorie canonique sur la force probatoire du sceau a été développé (p. 718-720). En ce qui touche la théorie juridique allemande sur la valeur probatoire du sceau, «< authentique » ou non, il n'a pu prendre connaissance qu'après coup (Additions, p. 746) des explications de P. Schweizer, qu'il repousse au surplus. Sur l'introduction du notariat à l'italienne en Allemagne (p. 730-732), rien de neuf à signaler, mais sur les actes non scellés passés devant les municipalités on trouvera (p. 734, 735) quelques exemples nouveaux fournis par les « écrits d'arche » de la ville de Metz.

Quand il aura été complété par un second volume, l'ouvrage, entièrement renouvelé et rajeuni, sera pour de longues années le bréviaire du diplomatiste et du médiéviste. Il serait grandement à désirer qu'il fùt traduit en français. Le livre si personnel de A. Giry ne le remplace pas entièrement, pour cette raison qu'il est un Manuel pratique de chronologie et de diplomatique, alors que celui de M. Bresslau est un Traité de pure diplomatique.

Ferdinand LOT.

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