Page images
PDF
EPUB

la mort par un esclave; après la défaite de Cassius, Antoine se fit amener le célèbre coursier, et quelque temps après, Antoine vaincu et abandonné, s'arracha la vie.

Cette liste de morts tragiques a donné naissance au proverbe qu'on applique au malheureux : cet homme, dit-on communément, a le cheval Seïen. Il en est de même de l'étymologie de cet ancien adage : l'or de Toulouse (1). Q. Cépio ayant pillé Toulouse, cité de la Gaule, et ses soldats s'étant emparés des richesses immenses dont les temples étoient remplis, tous ceux qui y touchèrent périrent d'une manière misérable ou cruelle.

[ocr errors]

Gabius Bassus assure qu'il a vu le cheval Seïen à Argos. Il étoit d'une beauté, et d'une vigueur incroyables et d'une couleur trèsvive, que nous appelons phénicienne, comme j'ai dit ; en Grèce les uns la nomment pourpre, d'autres rouge foncé.

Histoire d'Androclès et d'un Lion,

APPION, surnommé Plistonice, étoit trèsversé dans la littérature, et dans la connoissance de toutes les parties de l'histoire Grecque. On connoît et on estime le recueil complet qu'il a publié, de toutes les merveilles d'Egypte, et de toutes celles que renferment ses armales. L'étalage affecté d'érudition, et de l'air de jactance de l'historien, le font soupçonner d'un peu d'exagération dans ses récits, lorsqu'il cite

(1) L'écrivain de l'antiquité qui a le plus diminué la richesse des dépouilles du temple de Toulouse, la fait monter à cent mille livres pesant d'or, et à cent dix

rum v scripsit, neque audisse, neque legisse, sed ipsum sese in urbe Roma vidisse oculis suis confirmat: In circo maximo, inquit, venationis amplissimæ pugna populo dabatur. Ejus rei (Romæ cùm fortè essem) spectator, inquit, fui. Multæ ibi sævientes feræ, magnitudine bestiarum excellentes, omniumque inusitata aut forma erat, aut ferocia. Sed præter alia omnia leonum, inquit, immanitas admirationi fuit: præterque omnes cæteros, unius. Is unus leo corporis impetu, vastitudine, terrificoque fremitu et sonoro, toris, comisque cervicum fluctuantibus, animos oculosque omnium in sese converterat. Introductus erat inter complureis cæteros ad pugnam bestiarum Dacus servus viri consularis. Ei servo Androclus nomen fuit. Hunc ille leo ubi vidit procul, repentè, inquit, quasi admirans stetit: ac deinde sensim atque placidè, tanquam noscitabundus ad hominem accedit. Tum caudam, more atque ritu adulantium canum, clementer, et blande movet: hominisque sese corpori adjungit: cruraque ejus, et manus propè jam exanimati metu, lingua leniter demulcet. Homo Androclus inter illa tam atrocis

(1) On donne le nom de cirque à ce magnifique ouvrage, ou parce qu'au moins à l'une de ses extrémités, il représentoit une forme circulaire, ou parce que les chars qui disputoient le prix devoient sept fois tourner en rond autour des bornes plantées aux extrémités da cirque. Dans la suite peut-être, ou dès le commence

ses lectures ou ses conversations. On ne peut cependant porter le même jugement sur le trait dont il fait mention au cinquième livre de ses mémoires sur les Egyptiens, puisque le narrateur assure qu'il ne la lu, ni oui raconter nulle part; mais qu'à Rome, lui-même il en a été témoin.

On donnoit au peuple, dit Appion, dans le grand cirque (1), le spectacle d'un combat de bêtes, dans le plus grand appareil; comme je me trouvois à Rome, j'y courus. Les barrières levées, l'arène se couvre d'une foule d'animaux frémissans, monstres affreux, tous d'une hauteur et d'une férocité extraordinaires. On vit sur-tout bondir des lions d'une grandeur prodigieuse. Un seul fixa tous les regards. Une taille énorme, des élancemens vigoureux, des muscles enflés et roidis, une crinière flottante et hérissée, un rugissement sourd et terrible faisoient frémir tous les rangs des spectateurs. Parmi les malheureux condamnés à disputer leur vie contre la rage de ces animaux affamés, parut un certain Androclės autrefois esclave d'un proconsul; dès que le lion l'aperçoit, dit l'écrivain, il s'arrête tout-à-coup frappé d'étonnement, il s'avance d'un air adouci, comme s'il eût connu ce misérable; il l'approche en agitant la queue d'une manière soumise, comme le chien qui cherche à flatter; il presse le corps de l'esclave à demi-mort de frayeur, et lèche doucement ses pieds et ses mains. Les caresses de l'horrible animal rappellent Androclès à la vie, ses yeux éteints s'entr'ouvrent peu à peu,

[ocr errors]
[ocr errors]

ment, on appela celui-ci le grand Cirque, soit à cause de son immense grandeur, soit parce qu'il étoit consacré à des divinités plus considérables qui portoient le noin

feræ blandimenta amissum animum recuperat : paulatimque oculos ad contuendum leonem refert. Tum quasi mutua recognitione facta, lætor, inquit, et gratulabundos videres hominem, et leonem. Ea re prorsus tam admirabili, maximos populi clamores excitatos dicit, arcessitumque à Cæsare Androclum, quæsitamque causam, cur ille atrocissimus leonum uni parsisset. Androclus rem mirificam narrat, atque admirandam: Cùm provinciam, inquit, Africam proconsulari imperio meus dominus obtineret, ego ibi iniquis ejus, et quotidianis verberibus ad fugam sum coactus et ut mihi à domino terræ illius præside tutiores latebræ forent, in camporum, et arenarum solitudines concessi: ac si defuisset cibus, consilium fuit mortem aliquo pacto quærere. Tum sole, inquit, medio rapido, et flagranti, ́specum quandam nactus remotam latebrosamque, in eam me penetro, et recondo: neque multò pòst ad eandem specum venit hic leo debili uno et cruento pede, gemitus edens, et murmura, dolorem, cruciatumque vulneris commiserantia. Atque illic primo quidem conspectu advenientis leonis territum sibi, et pavefactum animum dixit, sed postquam introgressus, inquit, leo (uti re ipsa apparuit) in habitaculum illud suum, videt me procul delitescentem, mitis et mansuetus accessit, et sublatum pedem ostendere mihi, et porrigere, quasi opis petendæ gratia visus est. Ibi, inquit, ego stirpem ingentem vestigio pedis ejus hærentem revulsi, concep-. tamque saniem vulnere intimo expressi: accuratiusque, sine magna jam formidine, siccavi penitus, atque detersi cruorem. Ille tunc mea

ils

ils rencontrent ceux du lion; alors, comme dans un renouvellement de connoissance, vous eussiez vu l'homme et le lion se donner les marques de la joie la plus vive et du plus tendre attachement. Rome entière, à ce spectacle. poussa des cris d'admiration; et César ayant mandé l'esclave: pourquoi, lui dit-il, es-tu le seul que la fureur de ce monstre ait épargné ! Daignez m'écouter, Seigneur, répondit Androclės, voici mon aventure:

<< Pendant que mon maître gouvernoit l'Afrique, en qualité de proconsul, les traitemens injustes et cruels que j'en essuyois me forcerent enfin de prendre la fuite; et pour échapper aux poursuites d'un maître qui commandoit en ce pays, j'allai chercher une solitude inaccessible parmi les sables et les déserts, résolu de me donner la mort de quelque manière, si je venois à manquer de nourriture. Les ardeurs intolérables du soleil au milieu de sa brûlante carrière, me firent chercher un asile je trouve un antre profond et ténébreux, je m'y cache. A peine y étois-je entré, que je vis arriver ce lion, il s'appuyoit douloureusement sur une pate ensanglantée, la violence de ses tourmens lui arrachoit des rugissemens et des cris affreux. La vue du monstre, rentrant dans son repaire, me glaça d'abord d'horreur, mais dès qu'il m'eût aperçu, je le vis s'avancer avec douceur; il approche, me présente sa pate, me montre sa blessure et semble me demander du secours. J'arrache une grosse épine enfoncée entre ses griffes; j'osai même presser la plaie et en exprimer tout le 'sang corrompu; enfin pleinement remis de ma frayeur, je parvins à la purifier et à la dessécher. Alors l'animal soulagé par mes soins, et ne souffrant plus,

« PreviousContinue »