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n'affectent point le ton sévère et impérieux de l'altière philosophie; l'apologue entre ses mains emprunte le langage des grâces et de la gaîté; c'est par ce charme séduisant qu'il s'insinue dans l'âme de ses lecteurs et qu'il leur fait goûter les diverses peintures qu'il trace d'une main si sage et si judicieuse. Sa fable de l'alouette, écrite avec autant d'aménité que d'élégance, fait entendre qu'il faut moins attendre d'autrui que de soi-même, le succès d'une affaire dans laquelle on peut agir.

qu'on

Il est dit le Fabuliste, un petit oiseau qu'on appelle alouette; il habite communément ans les blés, et y fait son nid, de façon que ses petits commencent à se couvrir de plumes au temps de la moisson. L'alouette dont je. parle, avoit choisi par hasard un champ dont les fruits étoient précoces; déjà même on voyoit flotter les épis dorés, et la petite famille étoit sans plumage. Un jour la mère partant pour chercher la pâture, l'avertit de bien

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remarquer ce qui arriveroit, ou se diroit de nouveau de le bien retenir, et de le lui rendre fidèlement. Le maître du champ arrive, appelle son fils à la fleur de l'âge tu vois, lui dit-il, que ces blés sont en pleine maturité et n'attendent que la faucille demain donc, dès le point du jour, va trouver nos amis, prie les de venir nous aider à faire la moisson. Ainsi parle le père, et il s'éloigne.

Dès que la mère paroît, les petites alouettes tremblantes crient toutes à la fois, et la conjurent de déloger au plus vite, car le maître a dit à son fils demain dès le point du jour va trouver nos amis, et prie les de venir nous aider à faire la moisson. Soyez en paix, mes enfans, répond l'alouette; si le maître se

metetur neque necesse est, hodie uti vos auferam. Die igitur postero mater in pabulum volat: dominus, quos rogaverat, opperitur : sol fervit, et fit nihil, et amici nulli erant. Tum ille rursum ad filium: Amici isti, inquit, magnam in partem cessatores sunt: quin potius imus, et cognatos, affines, vicinosque nostros oramus, ut adsint cras tempori ad metendum? Itidem hoc pulli pavefacti matri nuntiant. Mater hortatur, ut tum quoque sine metu, ac sine cura sint: cognatos, affinesque nullos fermé tam esse obsequibiles, ait, ut ad laborem capessendum nihil eunctentur, et statim dicto obediant Vos modò (inquit), advertite, si modò quid denuò dicetur. Alià luce orta, avis in pastum profecta est : cognati et affines ope ram, quam dare rogati sunt, supersedent. Ad postremum igitur dominus filio: Valeant, inquit, amici, cum propinquis: Afferes prima luce falces duas : unam egomet mihi, et tu tibi capies alteram et frumentum nosmelipsi manibus nostris cras metemus. Id ubi ex pullis dixisse dominum mater audivit : Tempus, inquit, est cedendi, et abeundi: fiet nunc dubio procul, quod futurum dixit. In ipso enim jam vertitur, cuja est res : non in alio, unde petitur. Atque ita cassita nidum migravit, et seges à domino demessa est. Hæc quidem est Æsopi fabula de amicorum, et propinquorum levi et inani fiducia. Sed quid aliud sanctiores libri

repose de ce travail sur ses amis, demain ces épis seront encore sur pied; il n'est donc point nécessaire que je vous transporte actuellement.

Le lendemain la mère retourne à la pâture; le maître paroît, attend ses moissonneurs, le soleil embrase les airs, le temps se passe, point d'amis. Mon fils, dit le père étonné, ces amis sur lesquels nous avions compté sont des paresseux; faisons mieux, que n'allons-nous chez nos voisins, nos parens et nos alliés, les prier de se trouver ici demain à l'heure du. travail.

Le petit nid, aussi épouvanté que la veille, rend ces terribles paroles à la mère. Point d'alarmes; leur répondit-elle; comme hier dormez en repos : il n'est ni parens, ni voisins assez complaisans pour se prêter sur-le-champ au travail d'autrui. Prêtez seulement une oreille bien attentive à ce qui se dira demain matin. Au premier rayon du jour l'alouette prend son et malgré l'invitation, on ne voit arriver ni parens, ni voisins. Laissons, mon fils dit le père, laissons ces alliés et ces amis; apporte ici demain deux faucilles, une pour moi, l'autre pour toi, et nous ferons nousmêmes la moisson.

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Dès que ces dernières paroles eurent été rendues à la mère; il est temps, mes enfans dit-elle, de partir, l'ordre du maître sera rempli, puisqu'il se charge lui-même de l'exécution, sans se reposer sur des étrangers. En achevant ces mots l'alouette s'envole, transporte son nid, et le maître vint moissonner son champ.

Excellent apologue, admirable leçon du peu de confiance qu'on doit avoir aux secours

philosophorum monent, quàm ut in nobis tantùm ipsis nitamur? Alia autem omnia, quæ extra nos, extraque nostrum animum sunt, neque pro nostris, neque pro nobis ducamus. Hunc Esopi apologum Qu. Ennius in satiris, scitè admodum et venustè versibus quadratis composuit, quorum duo postremi isti sunt, quos habere cordi, et memoriæ operæ pretium esse hercle puto: Hoc erit tibi argumentum semper in promptu situm: Ne quid expectes amicos, quod tu agere possis.

Draconis leges.

DRACO Atheniensis vir bonus, multâque esse prudentiâ existimatus est jurisque divini et humani peritus fuit. Is Draco leges, quibus Athenienses uterentur, primus omnium tulit. In illis legibus furem cujuscumque modi furti, supplicio capitis puniendum esse, et alia pleraque, nimis severè censuit sanxitque. Ejus igitur leges, quoniam videbantur impendio acerbiores, non decreto jussoque, sed tacito illiteratoque Atheniensium consensu obliteratæ sunt. Postea legibus aliis mitioribus à Solone compositis usi sunt. Is Solon ex septem illis inclytis sapientibus fuit. Is sua lege in fures, non

(1) Il se rendit recommandable dans sa république par sa probité autant que par ses lumières. Déclaré Archonte, il fit des lois pour la réforme de ses concitoyens, qui xespiroient par-tout une sévérité cruelle. L'assassin et le

recommandent autre chose les maximes les plus sacrées de la Philosophie; de ne nous reposer que sur nos propres travaux, de compter pour absolument étranger tout ce qui est hors de nous et de notre propre cœur ?

Ennius, dans son recueil de satires, a mis cette allégorie en vers ïambiques pleins de finesse. et d'élégance. J'en cíte les deux premiers, qu'il est bien essentiel à mon avis d'avoir gravés au fond de l'âme :

Conserve précieusement cet axiome dans ta mémoire. N'attends jamais rien de tes amis, quand tu peux travailler toi-même.

Lois de Dracon.

DRACON, le premier législateur d'Athènes (1), sa patrie, est renommé par sa prudence, sa probité et la grande connoissance qu'il avoit du droit civil et divin. Le code qu'il donna à ses concitoyens est marqué au coin d'une extrême sévérité. Il ordonnoit qu'on punît le vol du dernier supplice, de quelqu'espèce qu'il fût. Les magistrats d'Athènes, révoltés d'une législation aussi féroce, résolurent d'en laisser tomber les réglemens dans l'oubli, en fermant simplement les yeux et en gardant le silence, sans les casser par un décret ni aucun acte public.

Après la mort de Dracon, Solon, l'un des illustres sages de la Grèce, esprit plein de douceur et d'aménité, publia des lois conformes à la trempé de son caractère. Legislateur plus

citoyen convaincu d'oisiveté étoient également punis de mort. Assez juste pour ne favoriser personne, il ne fut pas assez philosophe, dit un homme d'esprit, pour savoir

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