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patrum, pour que leurs décisions aient force de loi. Les concilia plebis sont présidés par des magistrats plébéiens (tribuns de la plèbe) et ne comprennent en droit que la plèbe seule (1). Lorsque le populus romanus entier est assemblé sous la présidence de magistrats patriciens (consuls ou préteurs), il forme les comitia tributa (comices par tribus) qui sont en quelque sorte les centuries de Servius transformées et ramenées à une forme plus plébéienne (2). Tite-Live et Cicéron nous apprennent que c'est dans les trente-cinq tribus et suivant les localités que se forment les centuries nouvelles, en y conservant toutefois des distinctions entre celles des plus jeunes citoyens et celles des plus âgés (3). Nous savons également par Tite-Live que dès les guerres Puniques on se sert quelquefois du nom d'une tribu locale pour désigner les centuries anciennes (4). Durant cette longue période de l'histoire romaine ce sont en réalité les comices par centuries, puis les assemblées de la plèbe (concilia plebis) qui jouent le rôle le plus important dans la sphère politique et constitutionnelle. Cependant le Sénat intervient lui aussi et d'une façon importante; le Sénat de la République n'est plus composé comme celui de la royauté; désormais les plébéiens y ont accès, de sorte qu'il comprend deux éléments distincts: les sénateurs patriciens (patres) et les sénateurs plébéiens (conscripti ou adlecti, inscrits au nombre des sénateurs) ayant chacun des attributions différentes. Les lois votées par les comitia curiata, centuriata et tributa ne sont valables que si elles ont obtenu la ratification du Sénat patricien (1) Tite-Live, X, 23;- Aulu-Gelle, Nuits attiques, X, 6. (2) Denys d'Haly., 4, 25.

(3) Tite-Live, I, 43 ;

Cicéron, In Verrem, 2, livre V, § 15. (4) Tite-Live, XXIV, 7 et 8 ; — XXVI, 22 ;— XXVII, 26.

(auctoritas patrum)(1), c'est-à-dire que le Sénat patricien doit examiner et valider la constitutionnalité de leurs décisions (2). Du temps de Tite-Live l'auctoritas du Sénat devait précéder le vote des comices (3). Nous avons vu que les décisions des concilia plebis n'étaient pas soumises à l'auctoritas du Sénat. Les sénateurs plébéiens ne formaient jamais une assemblée spéciale; réunis aux sénateurs patriciens, ils composaient le Sénat romain que M. Willems appelle le Sénat patricio-plébéien (4). Toutes les propositions législatives quelconques devaient être soumises à sa délibération avant d'être proposées au vote du peuple. En cas d'une proposition à soumettre à la communauté pour être acceptée ou rejetée, la coutume de consulter préalablement le Sénat et d'obtenir son approbation, quoiqu'elle ne fût pas constitutionnellement nécessaire, fut consacrée par l'usage, et il fallait de graves raisons pour s'en écarter; la coutume gagna de plus en plus force de loi (5).

Les consuls successeurs des rois n'ont plus aucun pouvoir législatif et ne sont que les présidents du Sénat, dont ils exécutent les ordres (6) ».

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« Sous l'Empire, le peuple accorde à un seul citoyen, par des lois sucessives et régulières, une partie du pouvoir du Sénat et de son propre pouvoir. Auguste est son délégué. L'empereur est investi du pouvoir législatif; les décrets législatifs portés par lui s'appellent constitutio principis (7);

(1) Cicéron, de Republica, II, 32.

(2) Willems, Droit public romain.

(3) Tite-Live, I, 17.

(4) Willems, Droit public romain, 212.
(5) Mommsen, Histoire romaine, p. 324.
(6) Le même,page 324.

(7) Willems, pago 13; Digeste, 1, 41, $ 1.

les comices du peuple perdent peu à peu leur pouvoir législatif à mesure que les édits de l'empereur augmentent. Cependant, sous Auguste, des propositions législatives approuvées par le Sénat furent soumises aux comices par tribus (1). Mais cette intervention directe du peuple devient de plus en plus rare et ne survit pas au premier siècle de l'Empire (2).

Le Sénat partage avec l'empereur le pouvoir législatif, mais il n'est plus qu'un instrument docile entre les mains du nouveau maître du monde. « En droit, il représente le peuple, il est le dépositaire du pouvoir souverain puisque c'est lui qui nomme l'empereur; en fait, la part réelle prise par le Sénat dans la politique dépendait du caractère personnel de l'empereur et alla toujours en diminuant (3). »

A partir de Constantin, le peuple et le Sénat ne sont plus rien, l'empereur est tout. Le consilium principis (conseil du principe), qui tout d'abord assistait l'empereur dans les affaires importantes que celui-ci voulait soumettre au Sénat, devint peu à peu un véritable conseil d'État (consistorium principis), à la délibération duquel l'empereur soumet avant de les promulguer les constitutions impériales (4).

L'influence, de ce conseil, qui ne dépend que de l'empereur, s'est accrue à mesure que celle du Sénat diminuait. « Désormais plus d'autre loi que la volonté du prince. Aussi Justinien réforme l'ancienne législation par sa seule volonté (5). »

(1) Sénèque, des Bienfaits, VI, 16;- Dion Cassius, LIII, 21.

(2) Willems, p. 311.

(3) Willems, page 314.

(4) Digeste, XXXVII, 14, 17.

(5) Ortolan, Législation romaine, tome I, page 472.

Il résulte de cet exposé de la constitution romaine aux différentes époques de son histoire que, durant de longs siècles, le peuple seul dans ses diverses assemblés exerça, sous le contrôle du Sénat, le pouvoir constituant, et que, pendant toute la durée de l'Empire, l'exercice de ce pouvoir fut confié à l'empereur seul, qui était le délégué du peuple romain tout entier.

SECTION DEUXIÈME

PÉRIODE BARBARE. MOYEN AGE.

MONARCHIE FRANÇAISE

Les barbares qui succédèrent à l'Empire romain n'ayant aucune notion de l'état ne pouvaient avoir de constitution; ils vivaient au jour le jour, au gré des ambitions et des caprices de leurs chefs, n'ayant pour toute règle, en matière politique, que la coutume et les traditions de leurs ancêtres. Il en fut de même au moyen âge, pendant lequel la féodalité fut souveraine et réduisit à néant le rôle de l'État. Sous la Monarchie française, il n'existe point de constitution écrite, dès lors pas de pouvoir constituant distinct et organisé. Le mot attribué à Louis XIV, «l'État c'est moi, n'est nullement exagéré; le roi est tout,lui seul est souverain et législateur. Il ne relève que de Dieu et de son épée, tous les pouvoirs se résument en lui. Et c'est avec raison que Louis XV pouvait dire, en 1766, dans une réponse au Parlement de Paris : « C'est en ma personne seule que réside l'autorité souveraine; c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage. L'ordre public tout entier émane de moi; j'en suis le gardien suprême. Mon peuple n'est qu'un avec moi, les droits et les intérêts de la nation, dont on

n'ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'entre mes mains. » Au roi seul par conséquent appartient en fait la fonction constituante, puisque le roi est maître absolu et que tout est subordonné à son bon vouloir. Sans doute, à un certain moment, il y eut comme un essai de monarchie représentative, mais cela dura peu. C'est à la convocation des premiers États généraux, en 1302, et surtout sous le règne de Jean le Bon; mais ce système de représentation nationale, au lieu de se généraliser, comme cela eut lieu en Angleterre, ne servit que dans les cas où la royauté croyait en avoir besoin contre les ennemis du dedans ou contre ceux du dehors, notamment dans sa lutte avec les papes Boniface VIII et Innocent III. Les États généraux n'eurent qu'une seule fois l'occasion de se prononcer sur une question touchant à la constitution du royaume. C'est dans une réunion tenue à Paris en 1317 que les États généraux eurent à se prononcer à ce sujet. Appelés à statuer sur la question de successibilité au trône après la mort de Louis X le Hutin, ils firent prévaloir la loi salique en se prononçant contre Jeanne de Navarre, fille du dernier roi, au profit de son oncle, le comte de Poitiers, qui avait pris le nom de Philippe V. Quelques années plus tard, en 1328,les États généraux réunis à Poitiers se prononcèrent sur la même question, et consacrèrent de nouveau l'incapacité des femmes à hériter de la couronne de France. Ils exclurent le roi d'Angleterre, Édouard III, qui y prétendait du chef de sa mère Isabelle, fille de Philippe le Bel, et approuvèrent l'élévation de Philippe VI de Valois, neveu de ce prince et petit-fils de Philippe le Hardi. Il est dif

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