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NOTICE

SUR

QUINTE-CURCE

ET SUR SON HISTOIRE D'ALEXANDRE LE GRAND

L'Histoire de Quinte-Curce ne doit être considérée que comme un pur produit de l'art, comme un simple exercice de rhéteur. En effet, sous les empereurs, et à quelque règne qu'on rapporte la vie de QuinteCurce, il n'y avait aucun intérêt immédiat à écrire l'histoire d'Alexandre. On n'y rencontre d'ailleurs que de très rares et de très vagues allusions à l'époque où vécut l'auteur, sauf une seule qui se trouve à la fin de l'ouvrage et qui peut servir à la fixer. Comme l'empereur dont il y est fait mention n'est pas nominativement désigné, on a cru reconnaître, dans ce passage, le règne d'Auguste, ou ceux de Tibère, de Caligula, de Claude, de Vespasien, de Trajan, de Septime ou d'Alexandre Sévère, même de Gordien et de Théodose le Grand. Mais une discussion approfondie du dernier éditeur prouve jusqu'à l'évidence que ce ne peut être qu'à l'empereur

NARRATIONES.

QUINTUS CURTIUS.

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NOTICE SUR QUINTE-CURCE.

Claude que Quinte-Curce a fait allusion. Ainsi Quinte-Curce florissait dans la première moitié du premier siècle de notre ère, et tous les caractères de son style s'accordent parfaitement avec le ton général de la littérature à cette époque.

Aucun auteur ancien ne fait une mention directe de Quinte-Curce, et l'on ignore entièrement les circonstances de sa vie privée. On ne peut croire qu'il soit le Curtius Rufus dont parlent Tacite (Ann. XI, ch. 21) et Pline le Jeune (VII, ép. 27); il serait plutôt le rhéteur Q. Curtius Rufus mentionné par Suétone.

Quinte-Curce a généralement puisé à de bonnes sources grecques; mais il passe quelquefois dans son récit des circonstances tout à fait essentielles : on voit qu'il manque de connaissances stratégiques et que la géographie lui était quelque peu étrangère. Toutefois, on peut dire qu'une grande partie des fautes qu'on lui reproche doivent être mises sur le compte de ses originaux, dont il ne s'est pas mis en peine de concilier les contradictions. Sa diction est pure, élégante et quelquefois même poétique; il est riche en belles descriptions et il a un art admirable du récit.

Nous donnons ici les plus remarquables narrations, au nombre de quinze.

CHOIX

DE NARRATIONS

TIRÉES

DE TITE-LIVE, QUINTE-CURCE, SALLUSTE, TACITE, ETC.

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Alexandre, après avoir vaincu les Perses sur les bords du Granique, tranché le nœud gordien à Gordium, et reçu la soumission des provinces septentrionales de l'Asie Mineure, se dirigea vers la Cilicie dont il franchit le Pas, seule entrée de Cappadoce dans ce pays. Il arriva à Tarse au moment où les Perses y mettaient le feu pour le priver du butin de cette ville opulente. Parménion, général d'Alexandre, la sauva des flammes, et livra à son roi des richesses qui faillirent lui devenir inutiles. Cette ville était sur les bords du Cydnus. A la vue de ses eaux limpides, Alexandre, couvert de sueur et de poussière, eut envie de s'y baigner mais comme elles étaient très froides à cause de l'ombrage impénétrable qui les couvrait, à peine y fut-il entré qu'il se sentit saisi d'un frisson violent, et perdit con

naissance. Dès qu'il eut repris ses sens, il déclara que, se trouvant près des ennemis, il voulait des remèdes actifs, violents même s'il le fallait, et qu'après tout il aimait mieux une prompte mort qu'une guérison tardive. L'impatience du monarque alarmait tout le monde, et ses médecins n'osaient hasarder aucun médicament. Enfin Philippe, l'un d'eux, qui l'aimait tendrement et l'avait toujours servi dès son bas âge, offrit d'entreprendre cette cure périlleuse. Sur ces entrefaites, Alexandre reçut une lettre de Parménion, lui annonçant que Philippe, gagné par l'or des Perses, se proposait d'empoisonner son maître. Alexandre donna la lettre à Philippe, au moment où celui-ci lui présentait la coupe qu'on avait voulu lui rendre suspecte: en même temps il prit la coupe, et les yeux attachés sur le médecin, il la vida sans hésiter. Philippe, en lisant la lettre, témoigna plus d'indignation que de crainte. Trois jours après, Alexandre rétabli se fit voir à son armée, qui témoigna d'autant plus de joie de sa guérison qu'elle s'était crue plus près de le perdre. C'est là le plus beau trait de la vie d'Alexandre il venait de croire à la vertu, alors que sa propre vie était l'enjeu de cette confiance.

Sommaire Marche d'Alexandre vers la Cilicie, description de
cette contrée, le Cydnus et les autres particularités; Pas-
sage des Pyles et incendie de Tarse; - Alexandre se baigne
dans le Cydnus, d'où on le retire mourant; douleur de ses
soldats; Paroles d'Alexandre à ses amis et à ses médecins ;
Perplexité de ceux-ci; Philippe offre un remède héroï-
Lettre de Parménion ;
Entretien d'Alexandre et de
Philippe; la potion prise par Alexandre le rend à la santé.

que;

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-

Alexander Ciliciam petens cum omnibus copiis, in regionem quæ Castra Cyri appellatur, pervenerat. Stativa illic habuerat Cyrus, quum adversus Cræsum in Lydiam duceret (1). Aberat ea regio quinquaginta stadia ab aditu quo Ciliciam intramus. Pylas (2) incolæ dicunt arctissimas fauces, munimenta quæ manu ponimus naturali situ imitante. Igitur Arsames, qui Ciliciæ

I. 1. Cyrus, quum adver. sus Cræsum... duceret. Cyrus l'Ancien peut en effet avoir passé par ce lieu en venant de Babylone. Cependant il est bien plus probable que ce mot rappelle l'expédition du jeune Cyrus.

Voy. Xénophon, Anabase,
I, ch. 2, § 20 et suiv.

2. Пa, en grec les Por-
tes. C'est le passage Koulek,
au sud de Tchekisla, encore
aujourd'hui la clef de
Syrie.

la

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