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seulement de fouler aux pieds les tombes stériles de mes frères; car, lorsque je croyais avoir, par mégarde, profané de mes pas leurs couches d'argile, ma respiration s'arrêtait, une sueur froide couvrait mon corps, et je sentais mon cœur oppressé, faiblir au-dedans de moi.

XII.

<< Je creusai quelques marches dans le mur; ce n'était pas pour m'échapper de ce lieu; j'y avais enseveli tout ce qui m'aimait sous une forme humaine, et la terre entière n'eût plus été pour moi qu'une prison plus vaste : je n'avais ni père, ni enfant, ni parent, ni compagnon de ma misère. J'y pensai, et je m'en réjouis; car le

And round the pillars one by one,
Returning where my walk begun,
Avoiding only, as I trod,
My brothers' graves without a sod;
For if I thought with heedless tread
My step profaned their lowly bed,
My breath came gaspingly and thick,
And my crush'd heart fell blind and sick.

12.

I made a footing in the wall;

It was not therefrom to escape,

For I had buried one and all

Who loved me in a human shape;

And the whole earth would henceforth be

A wider prison unto me :

No child-no sire-no kin had I,

No partner in my misery;

sentiment de leur peine avait presqu'égaré ma raison; mais je voulais monter jusqu'aux grilles de ma fenêtre, et contempler encore les hautes montagnes avec des yeux aimans.

XIII.

«Je les vis.....; et elles étaient les mêmes; elles n'avaient pas changé comme moi. Je vis dans l'air leurs sommets couronnés de neiges éternelles, et le lac se déroulant au-dessous, et le Rhône, dont les eaux bleues coulaient avec rapidité; j'entendis les torrens se précipiter et bondir au-dessus des roches escarpées et des buissons déracinés; je vis, dans le lointain, les murs blanchâtres de la ville, et les voiles plus blanches encore des barques qui sillonnaient les eaux.

I thought of this and I was glad,
For thought of them had made me mad,
But I was curious to ascend

To my barr'd windows, and to bend
Once more, upon the mountains high,
The quiet of a loving eye.

13.

I saw them and they were the same,
They were not changed like me in frame;
I saw their thousand years of snow
On high-their wide long lake below,
And the blue Rhone in fullest flow;
I heard the torrents leap and gush
O'er channell'd rock and broken bush;
I saw the white-wall'd distant town,
And whiter sails go skimming down;

«Vis-à-vis de moi, il y avait une petite île qui semblait me sourire; la seule que je pusse voir; une petite île verte; à peine me paraissait-elle plus grande que ma prison; mais il y croissait trois grands arbres; la brise des montagnes y soufflait; les ondes se brisaient doucement sur son rivage, et elle était émaillée d'une multitude de fleurs de couleurs brillantes et d'un parfum ravissant. Les poissons nageaient près des murs du château, et tous paraissaient joyeux. L'aigle passa, porté sur l'aquilon; il me sembla qu'il n'avait jamais volé aussi vite qu'il me parut voler alors. De

And then there was a little isle,
Which in my very face did smile,
The only one in view;
A small green isle, it seem'd no more
Scarce broader than my dungeon floor,
But in it there were three tall trees,
And o'er it blew the mountain breeze,
And by it there were waters flowing,
And on it there were young flowers growing,
Of gentle breath and hue.

The fish swam by the castle wall,

And they scemed joyous each and all;

The eagle rode the rising blast,
Methought he never flew so fast
As then to me he seemed to fly,
And then new tears came in my eye,

nouvelles larmes remplirent mes yeux; je me sentis troublé....., et je regrettai d'avoir laissé ma chaîne. Quand je redescendis, l'obscurité de mon triste séjour tomba sur moi, comme un fardeau pesant. C'était comme la tombe nouvellement creusée, qui se referme sur l'être que nous cherchions à sauver; et cependant mes faibles yeux, fatigués de tant d'images, avaient presque besoin d'un tel repos.

XIV.

« Il s'écoula des mois, des années, ou des jours; j'en ignore le nombre. Je ne les comptais point; je n'avais plus d'espoir qui me fît desirer d'abréger leur durée, ou qui dissipat l'humide brouillard qui voilait mes

And I felt troubled- and would fain
I had not left my recent chain;
And when I did descend again,
The darkness of my dim abode
Fell on me as a heavy load;
It was as is a new-dug grave,
Closing o'er one we sought to save,
And yet my glance, too much opprest,
Had almost need of such a rest.

14.

It might be months or years, or days,
I kept no count-I took no note,
I had no hope my eyes to raise,
And clear them of their dreary mote.
At last men came to set me free,
I ask'd' not why, and reck'd not where;

yeux. Des hommes vinrent enfin me mettre en liberté. Je ne leur demandai pas pourquoi, ni où ils voulaient me conduire. Il m'était devenu indifférent d'être enchaîné ou libre; j'avais appris à aimer jusqu'à mon désespoir; et, quand ils parurent enfin, et que tous mes liens furent brisés, ces murs pesans étaient devenus pour moi une retraite qui m'appartenait toute entière; et j'éprouvai une sensation presque aussi pénible que si on était venu m'arracher une seconde fois de ma demeure. J'avais lié amitié avec les araignées de ma prison; j'observais leurs travaux silencieux ; j'aimais à voir les souris se jouer au clair de la lune; et pourquoi aurais-je été moins sensible que ces ani

It was at length the same to me,
Fettered or fetterless to be :
I learn'd to love despair.

And thus when they appear'd at last,
And all my bonds aside were cast,
These heavy walls to me had grown
A hermitage-and all my own!
And half I felt as they were come
To tear me from a second home :
With spiders I had friendship made,
And watch'd them in their sullen trade,
Had seen the mice by moonlight play,
And why should I feel less than they?
We were all inmates of one place,
And I, the monarch of each race,
Had power to kill-yet, strange o tell!

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