sourire, et manier, au lieu de glaive, une faux servile. Ah! Grèce, ceux qui te doivent le plus sont ceux qui t'aiment le moins! tu leur as donné la naissance, leur sang, et ces sublimes annales d'héroïques aïeux, qui font la honte de ta race avilie! LXXXIV. « Quand l'austérité de Sparte renaîtra, quand Épaminondas et Thèbes se relèveront de nouveau, quand les enfans d'Athènes retrouveront des cœurs, quand les femmes grecques donneront naissance à des hommes, alors tu pourras sortir de tes cendres, ô Grèce! mais non jusque là..... » Lord Byron voyait la Grèce, non telle qu'elle lui était apparue dans ses songes, brillante d'honneurs, de vertus, de grands hommes, mais flétrie, désolée, quoique encore belle. Ces nobles And wield the slavish sickle, not the sword : LXXXIV. When riseth Lacedemon's hardihood, When Grecian mothers shall give birth to men, ruines étaient en harmonie avec la tristesse de son âme. Il se sentait moins isolé, moins malheureux au milieu de si grandes infortunes. Quoiqu'il ne pressentît pas que les Grecs fussent si proches de leur délivrance, et qu'ils dussent l'entreprendre eux-mêmes, une foule de passages dans les notes de Childe Harold, font allusion à la possibilité de cette résurrection future. D'Athènes, lord Byron se、rendit par mer à Constantinople. En passant dans le détroit des Dardanelles, il essaya de traverser l'Hellespont à la nage, en commémoration de l'histoire de Léandre. Il partit d'Abydos, le 3 mai 1810, et atteignit Sestos au bout d'une heure cinq minutes. Le passage n'a guère qu'un mille de largeur; mais la rapidité du courant le rend long et dangereux. L'eau était extrêmement froide, et ce tour de force valut à lord Byron un accès de fièvre, pendant lequel il fit une pièce de vers, qui a été imprimée dans ses œuvres : il y plaisante gaîment sur son mal-aise et sur l'aventure qui l'a causé. Les dernières stances du deuxième chant de Childe Harold, ont l'empreinte d'une douleur récente et profonde : ce ne sont plus des plaintes vagues, mais les accens d'un cœur qui vient d'être blessé par de nouveaux malheurs. Effectivement, lord Byron écrivit ces vers peu de temps après la mort de sa mère, arrivée en 1811. A-peu-près à la même époque, il apprit le mariage de miss Chaworth, ce qui acheva de détruire toutes ses espérances. Plus loin lord Byron fait aussi allusion à la mort d'un ami qu'il perdit en Espagne, et dont il parle avec une profonde tendresse. (*) XCVIII. << De toutes les douleurs qui attendent la vieillesse quelle est la plus affreuse? Quelle angoisse imprime sur le front les rides les plus profondes ? C'est de voir chaque objet aimé effacé des annales de la vie, de rester seul sur la terre comme je le suis maintenant? Je m'incline humblement devant le Dieu What is the worst of woes that wait on age? (*) L'honorable J. W., officier aux gardes, qui mourut de la fièvre à Coimbre. Je l'ai connu dix ans, la meilleure moitié de sa vie, et la plus heureuse partie de la mienne. Dans le court espace d'un mois, j'ai perdu celle qui m'avait donné l'existence et la plupart de ceux qui me la rendaient supportable. Je pourrais me faire une application rigoureuse de ces trois vers d'Young: « Insatiate Archer! could not one suffice? Thy shaft flew thrice, and thrice my peace was slain, Insatiable archer (1), une seule victime ne pouvait-elle te suffire? Trois fois ta flèche a volé, et trois fois mon repos a été détruit: trois fois avant que la lumière eût rempli trois fois le croissant de la lune. (Note de lord Byron.) (1) Les Anglais arment la Mort d'une flèche et non d'une faulx. qui châtie, lui offrant des cœurs divisés, des espérances détruites. Roulez, jours inutiles! je ne vous compterai plus! le temps m'a enlevé tout ce qui réjouissait mon âme: il a mêlé à mes plus jeunes ans tous les maux de la vieillesse. » O'er bearts divided and o'er hopes destroyed. CHAPITRE X. VIE POÉTIQUE DE LORD BYRON PEINTE PAR LUIMÊME. - BONAPARTE. - UNE NUIT D'ORAGE SUR LE LAC LÉMAN. - SOUVENIR ADRESSÉ A SA FILLE. MALÉDICTION PRONONCÉE CONTRE CEUX QUI ONT CAUSÉ SES MALHEURS. Il s'écoula un long espace de temps entre la publication du second chant de Childe Harold et celle du troisième. Pendant cet intervalle lord Byron fit paraître la plupart des poèmes dont nous avons déjà parlé. Il se hasarda aussi à revoir Marie, quoiqu'elle ne fût plus libre. Il consacra cette entrevue par des vers pleins de tendresse et de pureté. Ce ne fut qu'après sa séparation d'avec sa femme et son départ d'Angleterre, qu'il s'occupa de la fin de son poème; aussi a-t-elle un accent encore plus prononcé que le commencement. Le poète s'y montre sans cesse à découvert. Ses émotions ne lui viennent plus du dehors : elles s'échappent de son âme et obscurcissent tous les objets qui l'entourent. C'est le foyer d'un incendie qui répand au loin sa clarté lugubre. Quelquefois il s'efforce de sortir du cercle de ses souffrances, |