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cohortes.

cohortes (1). Les écrivains anciens ne disent pas quel fut l'auteur de cette innovation; l'opinion courante l'attribue à MaFormation par rius et ce n'est pas sans fondement. Tite-Live parle des cohortes comme si elles avaient été des divisions de la légion romaine dès les premiers temps de la République (2); en cela il commet une erreur dont il est aisé de deviner l'origine; trouvant dans les sources auxquelles il puisait, l'expression grecque σлεïρa (3), il n'a pas remarqué qu'elle n'avait pas partout le même sens Polybe entend par là le manipule (4), les écrivains postérieurs la cohorte (5). Il est certain, d'ailleurs, que le terme cohors, dont on peut se servir pour désigner toute espèce de corps de troupes (6), s'appliquait non seulement aux divisions des contingents alliés (et telle était sa signification technique), mais même à certaines divisions de la légion (7).

(1) Dans l'armée de César la cohorte est, en fait, l'unité tactique. Quand on veut faire connaître la force de l'armée, on donne le nombre des cohortes qui la composent (Plut. Sull. 17; Lucull. 31. Sall. Cat. 59, 5. b. G. 8, 15, 2; b. Afr. 11, 3; b. c. 1, 83, 2); on combat par cohortes (b. G. 5, 34, 2. 35, 1; 8, 36, 5; b. civ. 2, 41, 6; b. Afr. 17, 1; 18, 5); ce sont des cohortes que l'on envoie au secours des corps menacés. b. G. 5, 15, 4.

(2) Liv. 3, 5, 11 (les cohortes delectae, 2, 11, 8 et la cohors dictatoris, 2, 20, 6, doivent s'entendre du corps d'élite du général); 9, 27, 9; 34, 15, 1.

(3) L'exemple le plus frappant en est dans la description de la bataille de Zama, 30, 33, 1; il l'emprunte à Polybe, 15, 9, 7 et traduit le mot σлɛīpa par cohors, tandis que Polybe l'emploie dans le sens de manipulus. (4) Polyb. 6, 24, 5; 11, 23, 1.

(5) Dionys. Hal. 9, 63. 71; 10, 43. Dio Cassius, fr. Urs. 175, et souvent dans les inscriptions de l'époque impériale, par exemple xiλiapxos onɛipas πρώτης Κιλίκων, C. I. Gr. 3497. ἔπαρχον σπείρης πρώτης μειλα[ρί]ας Θρακών, C. I. Gr. 3132.

(6) Varro, de l. L. 5, 88. C'est pour cela que Tite-Live, 4, 38, 3, qualifie les cavaliers qui mettent pied à terre de [p]armata cohors. Virg. Aen. 11, 500, se sert de la même expression.

(7) Sall. Jug. 51, 3: cohortis legionarias quattuor advorsum pedites hostium conlocat. Liv. 22, 5, 7: Ut in sua legione miles aut cohorte aut manipulo esset. Au contraire, les cohortes dont il est question, 27, 41, 6: quinque cohortis additis quinque manipulis nocte jugum superare jubet, ne sont autres que les cohortes socium, puisqu'un praefectus socium est placé à leur tête. Frontin. Str. 1, 6, 1: Fulvius legionem, de qua supra dictum est, quinque cohortes in dextram viae partem direxit, quinque ad sinistram. Le texte de Cincius qu'on trouve dans Aulu Gelle, 16, 4, 6: in legione sunt centuriae sexaginta, manipuli triginta, cohortes decem, ne peut rien prouver pour l'époque antérieure à Varron, puisque Cincius, l'auteur du livre de re militari, était, à ce qu'il semble, contemporain de Varron.

A la cohorte proprement dite composée de troupes alliées correspondait une fraction de la légion formée d'un manipulus hastatorum, d'un manipulus principum et d'un manipulus triariorum, et appelée tout naturellement aussi cohors; Polybe le dit formellement (1); cela résulte encore d'un passage de Frontin qui décompose l'ancienne légion en dix cohortes (2); on peut le conclure de l'ordonnance adoptée par les troupes romaines à la bataille de Magnésie (3) et enfin, d'une manière générale, de la disposition même du camp. Mais ces cohortes légionnaires n'eurent d'importance que pour l'agmen et non pour l'acies, tant que la formation par manipules fut en usage dans le combat, Ce fut la tactique adoptée par les Cimbres qui donna lieu à la réforme; les Cimbres cherchaient le succès dans l'impétuosité de la première attaque (4); en laissant des intervalles entre les manipules, on leur permettait de rompre plus facilement les lignes romaines et de désorganiser l'ordre de bataille; la triplex acies instituée en vue d'un combat de longue durée était inutile quand on se trouvait en présence de pareils adversaires. Aussi Marius se vit-il obligé de renforcer la légion tout entière, de donner plus de cohésion aux éléments dont elle se composait et de faire passer les meilleures troupes de l'arrière où elles étaient à la première ligne: seul moyen de résister à la violence du premier choc, Il abandonna donc la triple acies, divisa la légion en dix cohortes et fit placer d'abord

(1) Polyb. 11, 23, 1 : τρεῖς σπείρας (τοῦτο δὲ καλεῖται τὸ σύνταγμα τῶν πεζῶν παρὰ Ρωμαίοις κοόρτις).

(2) Frontin. Strat. 1, 6, 1.

(3) D'après Tite Live, 37, 39, 7, les Romains et les Socii italiens réunis formaient dans cette bataille une justa aries. Duae legiones Romanae, duae socium ac Latini nominis erant : quina milia et quadringenos singulae habebant. Romani mediam aciem, cornua Latini tenuerunt: hastatorum prima signa, deinde principum erant: triarii postremos claudebant. Dans cette ordonnance, trois manipuli réunis correspondent à une cohorte de socii.

(4) Telle était, en général, la manière de combattre des Gaulois; c'est pour n'avoir pas à souffrir de cette tactique que Flaminius, dans la bataille qu'il livra aux Insubres, en l'an 223 avant J.-C., dut donner aux soldats du premier rang les piques des triaires, et modifier, pour cette fois au moins, l'ordre de combat adopté d'ordinaire par l'armée romaine. Polybe, 2, 33, 4.

toutes celles-ci sur la même ligne, Dans la suite, il est vrai, la triple acies reparait fréquemment même avec la formation en cohortes des dix cohortes de la légion quatre étaient placées en première ligne, trois en deuxième ligne et les trois autres en troisième ligne (1). Mais cette disposition n'était plus la seule qui fut adoptée; César formait ses troupes suivant les circonstances tantôt sur une seule ligne (2), tantôt sur deux (3), tantôt sur quatre lignes (4). Il y a de bonnes raisons pour penser que c'est à Marius qu'il faut faire honneur de cette réforme tactique; on sait que Metellus fut le dernier à employer la division par manipules dans la guerre contre Jugurtha (5); à partir de ce moment, on parle très souvent de la formation par cohortes et lorsqu'on a à faire connaitre la force d'une armée, on donne le nombre de ses cohortes (6). N'oublions pas, d'ailleurs, que Marius fit d'autres réformes dans l'armée : c'est lui qui perfectionna le pilum (7), qui en fit l'arme commune à tous les légionnaires, tandis que jusqu'alors les triarii étaient armés de la hasta, lui enfin qui enleva la parma aux troupes auxiliaires (8) et imagina un nouveau procédé pour porter le bagage du soldat (9).

Marius avait porté l'effectif de la légion à 6000 hommes (10). La cohorte eut alors 600 hommes, et tel fut même dans la

(1) Caesar, b. c. 1, 83, 2: Caesaris triplex (acies fuit); sed primam aciem quaternae cohortes ex quinque legionibus tenebant, has subsidiariae ternae et rursus aliae totidem suae cujusque legionis subsequebantur; sagittarii funditoresque media continebantur acie, equitatus latera cingebat. De même, b. G. 1, 24, 2. 49, 1. 51, 1; 4, 14, 1; b. c. 1, 41, 4; 3, 89, 3.

(2) b. Afr. 13, 2.

(3) b. c. 3, 67, 3; b. G. 3, 24, 1.

(4) b. c. 3, 89, 3; 93, 4. Plut. Caesar, 44; Pomp. 69. 71. Appian. b. c. 2, 76. 78; b. Afr. 81, 1. Cette question est traitée en détail par Rüstow, p. 118 et suiv.

(5) Sall. Jug. 49, 6.

(6) Voir ci-dessus, p. 148, n. 1.

(7) Voir ci-dessus, p. 31.

(8) Festus, p. 238 M. Parmulis pugnare milites soliti sunt, quarum usum sustulit C. Marius, datis in vicem earum Bruttianis. Cette réforme parait se rapporter à l'armement des Socii, puisqu'il ne pouvait pas y avoir de boucliers bruttiens dans la légion.

(9) Voir ci-dessus, p. 136.

(10) Festi ep. p. 336. Voir ci-dessus, p. 22.

suite le chiffre normal des soldats qui la composèrent (1). Mais le nombre des légionnaires que l'on pouvait mettre en li gne, tel qu'il s'établissait après plusieurs campagnes, était souvent bien inférieur à ce chiffre; à diverses époques les légions de César ne s'élevèrent que de 3000 à 3600 hommes (2), et ses cohortes de 300 à 360 hommes; à la bataille de Pharsale ce faible effectif ne fut même pas atteint (3). Les renseignements précis nous font défaut sur l'ordre de combat des cohortes; nous en sommes réduits à des conjectures. Voici, d'après Rüstow, quelles auraient été les dispositions adoptées. Les trois manipules de la cohorte se tenaient à côté les uns des autres; dans chaque manipule la deuxième centurie se plaçait derrière la première chaque manipule avait douze files et dix rangs; chaque cohorte de 360 hommes avait 36 hommes de front sur 10 hommes de profondeur; elle formait donc un rectangle de 120 pieds de long sur 40 pieds de profondeur. Lorsque la légion était disposée sur deux lignes, cinq cohortes composaient la première, les cinq autres la deuxième ; quand on adoptait l'ordre sur trois lignes, quatre cohortes formaient la première ligne, trois la deuxième et trois la troisième. Les intervalles des cohortes étaient probablement égaux à l'étendue du front d'une cohorte; les cohortes de la deuxième ligne se tenaient en face des intervalles de celles de la première ligne ; quant aux cohortes de la troisième ligne, on les disposait de

(1) Lange, p. 18. Plutarque se plaçant à cette même époque évalue, dans un passage, l'armée de Sylla à 6 τáyμata Téλeta (Plut. Sulla, 9), ailleurs (Mar. 35) à 35000 hommes. Lucullus avait sous ses ordres 5 légions, en tout 30000 hommes, Appian. b. Mithr. 72. Cicéron avait en Cilicie 2 légions (Cic. ad Att. 5, 15, 1), c'est-à-dire 12000 hommes (Plut. Cic. 36).

(2) Nous manquons de renseignements précis sur l'effectif normal de la légion de César. Lange, p. 18 et v. Goeler, p. 43, pensent que ces légions étaient fortes de 5,000 hommes; elles comprenaient 10 cohortes de 480 hommes et 300 antesignani. Cette opinion se base sur ce que César, au début de la guerre civile, n'avait avec lui à Ariminum que la 13 légion (b. c. 1, 7, 7); ou, d'après Plutarque (Caesar, 32), 5,000 hommes. Ce chiffre est encore donné par Plut. Pomp. 60. Appian. b. c. 2, 32. César lui-même évalue, b. G. 5, 49, 7 (comp. 48, 1), deux légions avec quelque peu de cavalerie à environ 7,000 hommes.

(3) A Pharsale il mit en ligne 80 cohortes, qu'il évalue, b. civ. 3, 89, 2, à 22,000 hommes Ces cohortes ne comptaient donc pas même 300 hommes.

diverses façons suivant les cas; elles formaient une réserve que le général en chef gardait à sa disposition (1).

Aigles des légions et enseignes des cohortes.

5. Autre réforme, celle-ci à propos des enseignes. Du temps de Polybe il n'y avait que les manipules qui eussent des enseignes, signa (2). A partir de Marius(3), et durant tout l'Empire, la légion elle-même reçut un étendard, l'aigle, d'abord en argent (4), plus tard, sous l'Empire, en or (5); elle était placée au sommet d'une hampe à laquelle étaient attachés divers ornements, quelquefois même un vexillum (6); l'aquilifer la portait à la prima acies et elle était sous la garde du primipilus (p. 45). En temps de paix, durant la république, on la conservait à l'aerarium (7). Au camp, l'aigle était déposée dans une petite chapelle (8) où elle était honorée d'une sorte de culte religieux (9) à titre de numen legionis (10); la chapelle était considérée comme un lieu d'asile (11). Du jour où la légion se divisa en cohortes et où celles-ci constituèrent des corps de troupes indépendants, elles eurent, elles aussi, leurs signa ; il n'y

(1) Pour la justification de ces assertions très contestées, sans doute, je m'en réfère à l'ouvrage de Rüstow, p. 41 et s.

(2) V. ci-dessus p. 36.

(3) V. ci-dessus p. 46.

(4) Cic. Catil. 1, 9, 24. Sall. Cat. 59. Appian. b. c. 4, 101.

(5) Herodian., 7, 7. D'après Dion Cassius, 40, 18, 1, il y avait déjà des aigles d'or dans l'armée de Crassus.

(6) Aigle avec vexillum, Bartoli, Arcus, 31.

(7) On y conservait du moins les anciens signa legionum. Liv. 3, 69, 8; 4, 22, 2; 7, 23, 3.

(8) Dio. Cass. 40, 18, 1. Herodian. 4, 4, 5; 5, 8, 6. Cic. Catil. 1, 9, 24.
(9) Tac. ann. 2, 17. Veget. 2, 6.

(10) Sacratae aquilae, Val. Max. 6, 1, 11. Comp. l'inscription publiée par Becker, Inschr. von Mainz, no 79: Fortunam superam honori aquilae leg(ionis)

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