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leur vertu et leur application; mais par un visage triste et sévère, par une singularité d'habit et de manières, qui servoient de masque à des mœurs très-corrompues.

Du choix des précepteurs.

SOUVENT l'ignorance des précepteurs ne nuit pas moins aux mœurs. Témoin Alexandre, qui, au rapport de Diogène de Babylone, avoit pris de son gouverneur Léonide, certains defauts qui le poursuivirent jusques dans l'âge où on les pardonne le moins, sur-tout à un si grand roi.

Avantages de la musique.

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QUI ne sait que la musique, étoit si fort, je ne dis pas seulement cultivée mais en honneur dans les premiers temps, que l'on donnoit à ceux qui en faisoient profession, le nom de sages et d'hommes inspirés j'en pourrois nommer plusieurs ; mais je m'en tiens à Orphée et à Linus. N'a-t-on pas cru qu'ils étoient l'un et l'autre de la race des dieux? Et parce qu'Orphée adoucissoit les mœurs d'une multitude ignorante et grossière, par l'admiration qu'il lui causoit, de là vient la fable qui a passé jusqu'à nous, que non seulement les bêtes sauvages l'écoutoient, mais que les rochers mêmes et les arbres, devenus sensibles à la douceur de ses divins accords, se détachoient pour le suivre. Timagène rapporte que de toutes les sciences, la plus ancienne est la musique; et les poëtes les plus célèbres nous en fournissent des preuves, lorsqu'ils nous représentent à la table des rois, d'illustres musiciens qui

laudes heroum ac deorum ad citharam caneban

tur. Iopas verò ille Virgilii nonne canit,

Errantem lunam solisque labores?

Plato cum in aliis quibusdam, tum præcipuè in Timæo, ne intelligi quidem, nisi ab iis qui hanc quoque partem disciplinæ diligenter perceperint, potest. Quid de philosophis loquor, quorum fons ipse Socrates jam senex institui lyrâ non erubescebat ? Duces maximos et fidibus et tibiis cecinisse traditum, et exercitus Lacedæmoniorum musicis accensos modis. Quid autem aliud in nostris legionibus cornua ac tube faciunt? quorum concentus quantò est vehementior, tantò Romana in bellis gloria cæteris præstat. Non igitur frustra Plato civili viro, quem això, vocant, necessariam musicen credidit. Et ejus sectæ, quæ aliis severissima, aliis asperrima videtur, principes in hac fuêre sententia, ut existimarent sapientum aliquos nonnullam operam his studiis accommodaturos. Lycurgus durissimarum Lacedæmoniis legum auctor, musices disciplinam probavit. Atque eam natura ipsa videtur ad tolerandos facilius labores velut muneri nobis dedisse. Archytas atque Aristoxenus etiam subjectam grammaticen musicæ putaverunt : et eosdem utriusque reż.

chantent les louanges des héros et des dieux sur la lyre. Dans Virgile, Jopas ne chante-t-il

pas,

Du bel astre du jour le cours laborieux ?

Platon a tant mêlé de musique dans ses écrits, qu'ils n'est pas possible de l'entendre en une infinité d'endroits, particulièrement dans son Timée, si l'on n'a étudié cet art à fond. Qu'est-il besoin de tant parler des philosophes! Socrate qui en est comme le père, a-t-il rougi d'apprendre à jouer de la lyre dans un âge fort avancé? L'histoire nous apprend que les plus grands capitaines savoient jouer de la flûte et des instrumens à cordes et que les armées des Lacédémoniens étoient animées au combat par certains airs de musique. Dans nos légions, quel autre usage ont nos clairons et nos trompettes, dont le son est d'autant plus impétueux et plus vif, que la nation Romaine l'emporte sur toutes les autres à la guerre ? Ce n'est donc pas sans raison que Platon a cru la musique nécessaire à tout homme qui veut se rendre capable de gouverner les autres; et les auteurs de cette secte, qui paroît aux uns si sévère, et si dure aux autres, n'ont-ils pas supposé que quelques-uns de leurs sages donneroient aussi leurs soins à ce genre d'étude? Enfin ce fameux législateur de Lacédémone, Lycurgue, dont les lois sont si austères, a approuvé la musique comme les autres. Aussi faut-il avouer que la nature elle-même, semble nous l'avoir donnée pour adoucir nos peines. Architas et Aristoxéne parlent de la grammaire, comme d'un artqui est compris dans la musique ; et c'étoient les mêmes maîtres qui enseignoient l'une et l'autre, suivant

præceptores fuisse, cum Sophron ostendit mimorum quidem scriptor, sed quem Plato adeò probavit, ut suppositos capiti libros ejus, cum

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moreretur, habuisse tradatur : tum Eupolis, apud quem Prodamus et musicen et litteras docet. Et Maricas, qui est Hyperbolus, nihil se ex musice scire, nisi litteras confitetur. Aristophanes quoque non uno libro sic institui pueros antiquitus solitos esse demonstrat. Et apud Menandrum in Hypobolimæo, senex, reposcenti filium patri, velut rationem impendiorum quæ in educationem contulerat, exponens, psaltis se et geometris multa dicit dedisse, Unde etiam ille mos, ut in conviviis post cœnam circumferretur lyra cujus cum se imperitum Themistocles confessus esset, ut verbis Ciceronis utar, habitus est indoctior. Sed veterum quoque Romanorum epulis fides ac tibias adhibere moris fuit. Versus quoque Saliorum habent carmen. Quæ cum omnia sint à Numa rege instituta, faciunt manifestum, ne illis quidem qui rudes ac bellicosi videntur, curam musices, quantam illa recipiebat ætas, defuisse. Denique in pro verbium usque Græcorum celebratum est indoctos à Musis atque Gratiis abesse.

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le témoignage de Sophron, cet agréable poëte comique, dont Platon faisoit tant de cas, que l'on trouva, dit-on, ses livres sous le chevet de son lit, lorsqu'il mourut. Eupolis confirme la même chose ; car il introduit un certain Prodamus, qui montre la musique avec les lettres. Et ailleurs il fait encore mention d'Hyperbolus, surnommé par dérision Maricas, qui confesse ne savoir de toutes les parties de la musique, que la grammaire. Aristophane nous apprend en plus d'un endroit, que telle étoit la manière d'instruire les enfans: et dans une comédie de Ménandre, un père redemandant son fils à un vieillard chez qui il l'avoit mis en pension, le vieillard, dans la dépense qu'il avoit faite pour son éducation, lui comptoit tant pour le maître de géométrie, et tant pour le maître de musique. C'est de là que venoit la coutume chez les Grecs, de présenter une lyre à la fin du repas; et parce qu'un jour Thémistocle déclara qu'il n'en savoit pas jouer, il n'en fallut pas davantage, dit Cicéron, pour le faire regarder comme un homme dont on avoit négligé l'éducation. Mais nos anciens Romains ne se donnoient-ils pas aussi dans leurs festins, le divertissement de la musique? Et les vers des Saliens ne se chantent-ils pas encore à présent? Ces institutions viennent pourtant du roi Numa; ce qui fait voir que, quoique toutes leurs pensées fussent tournées à la guerre, ils ne laissoient pas de cultiver la musique, autant qu'ils en étoient capables, dans un siècle si grossier. Enfin les Grecs ont une espèce de proverbe, pour dire que les ignorans n'ont pas grand commerce avec les Grâces, et les Déesses qui président à la musique.

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