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entrée, elle en aperçut une autre entr'ouverte, qui lui découvrit un escalier qu'elle descendit; elle se trouva dans le caveau sépulcral des Lusigny, éclairé par une lampe suspendue au milieu de la voûte.

Le calme des tombeaux l'étonna, mais ne l'effraya point; elle n'avait jamais entendu raconter d'histoires ridicules. Elle regarda tous les cercueils rangés autour du caveau, remonta tranquillement, sortit de l'église, et essaya de retrouver son chemin.

En

passant par la galerie où se trouvaient les portraits, elle se trompa de porte et entra dans la chambre où était le corps de la comtesse, sur un lit de parade, revêtu d'un habit de brocart d'argent.

Ce lit, près duquel se trouvaient un crucifix et un bénitier, était entouré de cierges allumés et de vases de fleurs; toutes les fenêtres étaient ouvertes.

La comtesse paraissait seulement endormie; malgré l'excessive pâleur et l'immobilité de ses traits, il était facile d'y voir l'empreint des vertus qui l'avaient caractérisée. C

line s'approcha, et voulut lui prendre la main, dont la raideur et le froid glacial la firent tressaillir. Au même moment le chapelain du château, étant entré pour prier auprès du corps selon l'usage, parut surpris de l'action de l'enfant; il lui demanda qui l'avait amenée dans cette chambre, et si elle n'était plus effrayée.

-Non, reprit Céline, cet appartement est très éclairé aujourd'hui; ce lit est superbe ; ces cierges allumés, ces fleurs jettent un parfum délicieux; tout est magnifique, et la physionomie de cette pauvre dame a quelque chose de si doux, que je ne conçois pas comment j'ai eu peur l'autre soir; mais sa main est froide plus froide que de la

glace.

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Alors elle lui raconta comment elle était restée seule au jardin; comment elle avait trouvé le chemin de la chapelle, et enfin comment elle s'était trompée de porte en entrant à la maison.

Le bon prêtre, charmé de l'ingénuité et de intelligence de l'enfant, voulut lui donner

sur la mort quelques instructions proportionnées à son âge, dans l'espoir que la circonstance les graverait dans sa mémoire ; mais il fut interrompu par les vassaux de la comtesse, qui venaient lui rendre leur dernier hommage. Après une courte prière, chacun d'eux jeta une fleur et de l'eau bénite sur le lit mortuaire, et se retira en silence. Céline, restée seule avec le chapelain, s'approcha du lit, y déposa toutes les fleurs qu'elle avait cueillies et sortit. Elle vit la cour remplie de pauvres gens qui déploraient amèrement la perte de leur bienfaitrice; elle les entendit se rappeler les uns aux autres les vertus, la bienfaisance et la générosité de la comtesse, et comprit que la vertu seule peut mériter de pareils regrets.

Vers le soir le comte de Lusigny arriva, et le lendemain, on déposa solennellement la dépouille mortelle de la comtesse dans le caveau sépulcral de ses nobles ancêtres. Je passerai sous silence l'ordre et la pompe de cette triste cérémonie. Céline la considéra comme la juste récompense des vertus que la com

tesse avait pratiquées pendant sa vie; elle fut vivement touchée et se promit de faire en sorte de les imiter. Quelques jours après les funérailles, le comte se rendit un peu plus familier avec Céline, et elle répondait avec tant de grâce à l'intérêt qu'il lui témoignait, qu'elle lui inspira bientôt la plus vive affection. Il lui dit un jour qu'il allait retourner à son régiment et qu'il serait bien longtemps sans la revoir, mais que pour la dédommager de son absence, il voulait la conduire à Mont-Fleuri, et lui faire faire connaissance d'une dame qu'il était sûr qu'elle aimerait bientôt plus que lui.

-Non, reprit l'enfant, cela ne se peut pas; mais si c'est la jolie personne dont j'ai vu le portrait dans la galerie, et qu'elle soit aussi bonne pour moi que vous, je pourrai l'aimer beaucoup.

A ces mots, elle courut faire part de sa joie à sa maman et la prier de ne pas s'opposer à ce voyage. Surprise de la trouver tout en larmes, elle lui fit d'abord quelques caresses pour essayer de la consoler, et comme gardait le silence :

-Je vois bien, lui dit Céline, que vous n'aimez pas la campagne depuis que nous sommes ici, vous ne faites que pleurer, et je suis tellement fâchée de vous voir si triste, que je voudrais déjà être loin de Lusigny. Quand je pense à cette bonne comtesse que tout le monde aimait, et qui repose là, dans la chapelle, sous ce joli rocher couvert de fleurs, je ne me sens plus de plaisir à les cueillir; et puis, monsieur le comte dit qu'il va retourner à son régiment; cela est bien fait pour donner du chagrin; cependant comme il veut me conduire à Mont-Fleuri, je serai charmée de connaître sa sœur; je crois d'ailleurs, maman, que le changement d'air vous rendrait plus gaie; qu'en pensez-vous ?

Madame Renaud donna son consentement par un petit signe de tête, et éloigna l'enfant. Le lendemain elle partit avec le comte et Céline pour Mont-Fleuri.

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