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tione peccasti. » — Ibid. (p. 231): « Quo loci tamen, si animum vestrum bene metior, super affectum quem maximum ostendis, hoc tu et arte fecisti. »

L'emploi simultané du pluriel et du singulier à l'égard de la même personne n'est pas une originalité de Sidoine; ses contemporains usent de la même liberté.

Ruricius, évêque de Limoges, écrit à l'évêque Faustus (Epist. I, 1, Migne, Patr. lat. t. LVIII, p. 67): « Olim te, domine mi venerande,... cognovi. Olim desiderio pii amoris infuso, illis te, quibus scribere dignaris, oculis cordis intueor; si quo modo possim, intercedentibus vobis, peccatorum meorum vincula disrumpere,... et vobiscum positus in dominica lege requiescere. >>

« Adhæsit, doctor eximie, anima mea post te. Me autem adjuvent orationes tuæ. »

<< Quamobrem spero, domine mi, ut pro me indesinenter oretis, et quoties dignati fueritis ariditatem terræ meæ eloquentiæ vestræ imbre perfundere, non mihi, sicut nunc fecistis, et adhuc meæ infirmitatis ignari, delicatos et dulces cibos, sed austeriores et ægritudini meæ congruos suggeratis. »

Le même à Sidoine (I, 8, p. 74): « Codicem namque, quem de fratre meo Leontio me recipere jusseratis, transtulisse me fateor. Quod si probatis, ignoscite; si imputatis, agnoscite. »

<< Ego tamen libens multam quam intuleritis excipiam; quia remedium meum vestrum credo esse decretum, et sententiam vestram medelam duco esse, non pœnam. »

Le même à Lupus (I, 10, p. 75): « Accepi litteras magnanimitatis tuæ, quibus excusare dignaris quod ut me rarius eloquentiæ tuæ rore respergas bajuli faciat inopia... Quod vos per ironiam, ut est leporis vestri facundia, jactasse non ambigo. Quum et vos abundetis tabellariis et me sciatis laborare egestate sermonis... Hæc ego, domine mi, flamma pectoris mei, persuasioni tuæ, quam conscienciæ meæ amplius credens, gerulo festinante, breviter cursimque dictavi: quæ peritia tua et probitas tua, si amici verecundiæ consulit, aut celare debebit, aut emendare curabit. »

Le même à Severus (II, 58, p. 122): « Sed scio hoc sincero amore, quo nos diligitis, facere atque perfecto; quia parum est caritati vestræ, quod nobis tribuitis, dum totos vos nobis et quotidie impendere desideratis. »

Le même à Vittamenus (II, 60, p. 122): « Familiares nos vobis facit vestra dignatio, dum hoc quod a nobis libenter offertur, a vobis gratanter accipitur. »

Le même à l'évêque Clarus (II, 63, p. 123): « Apostolatui

vestro pro ea quam mihi non pro meis meritis, sed pro benevolentia animorum vestrorum impenditis, caritate, non dicam vicem non possum repensare beneficiis, sed nec tantas gratias quantas meremini, sermonibus explicare. »

J'ai cité au hasard ces passages de Ruricius; les 82 lettres qu'il nous a laissées contiennent à peu près toutes des exemples de l'emploi de vos et vester soit seul, soit alterné avec tu et tuus.

Les évêques de la Tarraconaise, dans une lettre adressée au pape Hilaire (461-467), s'expriment ainsi (Migne, Patrol. lat. t. LVIII, p. 15) « Expetendum re vera nobis fuerat illud privilegium sedis vestræ.... Proinde nos Deum in vobis penitus adorantes.... Quæsumus sedem vestram ut quid super hac parte observare velitis, apostolicis affatibus instruamur.... Erit profecto vester triumphus, si apostolati vestri temporibus, quod sancti Petri cathedra obtinet, catholica audiat Ecclesia. »

Le pape Hilaire écrit une lettre privée à l'évêque Ascanius (1. c. p. 19) « Miramur admodum dilectionem tuam Barcinonensium petitiones non solum nulla auctoritate retudisse. » — Et plus loin (p. 20): « Tuæ sollicitudinis est, frater carissime, omnia debita tibi auctoritate tueri. »

Le même à Léontius, évêque d'Arles (1. c. p. 22): « Opera quæ in nos divinæ pietatis dignatio ostendit, sanctitati tuae duximus indicanda, ut ipse primum pro eo quem nobis invicem semper impendimus, præstante Domino, læteris affectu. »

Le pape Simplice (468-483) écrit à l'empereur Zénon (1. c. p. 40): « Clementiam vestram precor... ut catholico pectore respuentes... regia censeatis potestate cohiberi... ut veræ confessionis pacem cunctas Domini servare decernatis ecclesias, qui orbem vestri imperii desideratis tenere pacatum. »

Le même, s'adressant à un évêque, emploie toujours tu ou dilectio tua.

Acacius au pape Simplice (1. c. p. 46): « Nos indesinenter hortamini... Attentius igitur oret vestra beatitudo et pro christianissimo imperatore et pro nobis ipsis. »

Le pape Félix III (483-492) écrit à l'empereur Zénon (1. c. p. 899): << Decebat profecto... clementiæ tuæ litterarum munus offerre... quæ ad vestri munimen imperii... et famuli vestri Felicis ecclesiæ defensoris ad vos necessariam legationem mitterem... honorificentiæ tuæ... precor ut accipias... (p. 901) Ubi manifestum est quia quum verum dicitis, illum fuisse falsum qui pulsus est ostenditis. (p. 902) Cernis enim, venerabilis imperator... (p. 903) pervidetis... vestris præceptionibus. -(p. 904) sicut

vester sermo, etc. » Voir une lettre du même à Zénon (p. 934). Grégoire de Tours (Hist. Franc. V, 19, éd. Guadet et Taranne, I, p. 311): « Recolere vos credo discedente a Rothomagensi urbe Brunichilde regina, quod venerim ad vos, dixique vobis quia res ejus, id est quinque sarcinas, commendatas haberem, et frequentius advenire pueros ejus ad me, ut ea redderem, et nolui sine consilio vestro. Tu autem dixisti mihi, o rex. »

Le même (VIII, 30; t. II, p. 106): « Bonitatis tuæ magnanimitas, rex optime, enarrari facile non potest; qui timor tibi in Deum sit, qui amor in ecclesias.... Sed quia omnia quæ vestra gloria profert, recta veraque esse censentur... pro longævitate vitæ vestræ. »

Citons encore, à titre de curiosité, un auteur des bas temps, récemment publié par M. Ed. Heydenreich. Le pluriel de respect y est consacré.

« O imperator,... ut ipsi pariter vobis, cum heredem alium non habeatis (p. 7, 1. 7).- Domine imperator, rogo ut amore dei in his, quæ vobis dixi, contenti sitis et me ad ulteriora dicenda non cogatis (p. 23, 21). - Domine, si dixero vobis veritatem, non credetis; verumtamen ex quo habere non voltis me de hujusmodi subportatam, vestræ notifico majestati quod iste Constantinus, filius meus, est filius vester. Ego ipsum de vobis suscepi, qui me pauperculam oppressistis (p. 23, 26). » L'empereur lui-même dit à Hélène : « Iste... quem ipsum de vobis generavi. » Plus souvent il lui parle, comme plus loin (26, 11): « Vere sanguinis nobilitas præclari, de quo te procreatam non dubitamus, tibi tale sapientiæ consilium indidit. »

En résumé, le pluriel de respect n'a été employé qu'au ve siècle de notre ère. Il me semble, d'après les exemples cités dans cet article, que ce pluriel figuré a tiré son origine d'un pluriel au sens propre, c'est-à-dire de l'usage, fréquent aux me et ive siècles, d'associer tous les Augustes à la gloire de l'un d'entre eux. Si le pouvoir impérial n'avait pas été partagé entre plusieurs têtes, on se serait contenté de majestas ou æternitas tua pour témoigner le respect au souverain. Il ne faut pas perdre de vue que pendant longtemps on a dit à un empereur : imperium vestrum, et vultus tuus; à un évêque consilium vestrum, et sanctitas tua.

Par suite on a considéré les empereurs comme faisant tous une même famille, participant à l'autorité, à la gloire de leurs prédécesseurs. De même on a dit, par analogie, sedes vestra au pape,

1. Incerti auctoris de Constantino magno ejusque matre Helena libellus, Lips. Teubn., 1879.

en le considérant comme un membre de la grande famille des papes. A la fin du ve siècle, dans le bouleversement général, on perdit peu à peu la vraie notion collective de vos ou vester et on put employer ces expressions avec la simple idée du respect quand on s'adressait à un supérieur, comme un pape à un empereur, un évêque à un pape ou à un empereur, un citoyen quelconque à tout représentant de l'autorité civilè ou religieuse. Le pape qui disait à l'empereur vos ou vestra serenitas employait encore tu ou dilectio tua en parlant à un évêque.

D'ailleurs, l'usage du pluriel de respect n'a jamais exclu l'emploi du singulier, même à l'égard des plus hauts personnages, et quand on était assez libre avec une personne puissante, on pouvait faire usage alternativement de tu, tuus et de vos, vester.

Jamais on n'a employé vos pour tu avec autant de liberté que nos pour ego. Enfin, tandis qu'en français on met le singulier dans les appositions quand on n'a en vue qu'une seule personne (par ex. Vous vous livrez tout entier), le latin du ve siècle avait conservé le pluriel, comme dans le passage cité plus haut de Ruricius (II, 58): « Dum totos vos nobis impendere desideratis. »

EMILE CHATELAIN.

NOTES DE GRAMMAIRE.

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1° L'insRemarques sur la note 4 (voy. plus haut, p. 58). cription dont il s'agit est le no 575, et non le no 576, du C. I. A.; 2o c'est sur l'autorité de M. Koumanoudis, et non pour l'avoir vue lui-même, que M. Köhler dit qu'elle est gravée en lettres de la bonne époque.

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5. Le nom propre 'Hoods. Xénophon, Hellén., III, 4, 1, on lit : Ἡρώδας τις Συρακόσιος; Schneider et Dindorf ont pensé à rétablir ici le nom dorien 'Hpóvèzę. Je ne vois pas la nécessité de cette correction (cf. C. I. G., 1574. 1583. 2197 c, Add., 5774/5, I, 1. 180), mais il faut en tout cas écrire 'Hpooxs ('Hpons == Hpwins, cf. Etym. M., p. 437 fin, s. v., et les inscriptions citées plus haut).

6. Assimilation du M au B. On rencontre, C. I. A., II, Add., 52° (01. 103, 1368/7), la forme ßßλλec02; c'est un cas fort curieux d'assimilation, qui est à ajouter à ceux dont parle M. Wecklein, Curae epigraphicae, p. 47-48; M. Wecklein ne cite point d'exemple de l'assimilation du p. au ẞ.

7. Tot, quot employés substantivement. -M. Gossrau, Lateinische Sprachlehre, 2e éd., p. 430, remarque que « tot et quot sont toujours joints, comme adjectifs, à un substantif dont le cas est facile à reconnaître. » Quelquefois cependant quot, tot, aliquot se trouvent employés substantivement: Térence, Heaut., 128-129 « tot mea Solius solliciti sint causa...? » Ad., 92-93: << hoc advenienti quot mihi, Micio, Dixere! » T.-Live, XXVII, 47,9 «fessique aliquot somno ac vigiliis sternunt corpora passim. » Tacite, Ann., II, 36 : « grave moderationi suae tot eligere, tot differre. » Cf. Cicéron, p. Cael., XXVIII, 66: « an timebant ne tot unum, valentes imbecillum, alacres perterritum superare non possent? » O. RIEMANN.

DEPIDIUS, DEFIDIUS.

1

On lit dans les scholies de Vérone sur Virgile, Aen. 7,681, à propos de Caeculus, fils de Vulcain et fondateur de Préneste: « Hunc Varro ab Depidiis pastoribus educatum ipsique Depidio nomen fuisse [et datum cognom]entum Caeculo tradit libro qui inscribitur Marius aut de fortuna ». On lit dans Solin, 2, 9: << a Caeculo, quem iuxta ignes fortuitos inuenerunt, ut fama est, Digidiorum sorores ». Dans Servius (Aen. 7,681), les Depidii ou Digidii sont appelés Diui, ce qui vient probablement d'une correction malencontreuse faite par quelque ancien scribe.

Des divers témoignages connus sur Caeculus (voir l'Onomasticon de De-Vit) il résulte clairement que Caeculus ou Depidius est un être mythique, qui a pu être honoré dans un sanctuaire. La forme du nom Depidius n'est pas assurée, puisque ce nom se rattache à celui des frères appelés tantôt Depidii, tantôt Digidii et tantôt Diui. Je conjecture en conséquence qu'il faut le reconnaître, sous une forme encore un peu différente, dans un passage où l'on a cru qu'il était question du dieu Fidius. Ce passage est de Varron, De lingua latina 5,52 Mueller. Le ms. de Florence (d'après Jordan, Topographie der Stadt Rom im Alterthum, 1 p. 602) a apud aedem de i de fidi in delubro ubi aeditimus habere solet ; au lieu de de i de fidi, c'est-à-dire dei Defidi, le fragment du Mont Cassin a dei delfidi (L. Spengel, Ueber die Kritik der Varronischen Buecher de Lingua Latina, aus den Abhandlungen der k. bayer. Akad. der Wissenschaften, 1. Cl. VII. Bd. 1. Abth., 1854, p. 52 ou 480). L. HAVET.

1. Ibid., 627, « tot concurrunt veri similia,» je crois que c'est similia qui joue le rôle de substantif.

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