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Μίνω τεκοῦσα πρῶτ', ἐπὶ δὲ Σαρπηδόνι, ou, avec Cobet, κατα μετά Expvx, peu importe: j'avais pensé tout d'abord à ce dernier supplément, mais j'ai reculé devant la cacophonie de quatre mots terminés par z. Le style du fragment rappelle celui d'Eschyle, et, comme on cite de ce poète une tragedie Kᾶρες ἡ Εὐρώπη, il y avait là un rapprochement tout indiqué. Je dois dire cependant qu'un autre rapprochement possible ne m'avait pas échappé. En effet, il existait dans l'antiquité une tragédie de Rhadamanthe, comprise parmi les œuvres d'Euripide, mais jugée étrangère à ce poète par les critiques anciens. Je ne m'y suis pas arrêté, parce que dix vers de cette tragédie, qui sont cités par Stobée, me semblent indiquer que l'auteur inconnu imitait le style d'Euripide plutôt que celui d'Eschyle. Cobet attribue notre morceau au prologue du Rhadamanthe, et cette conjecture le porte à expliquer les mots ὅσπερ ἄφθιτος παίδων ἐμῶν, qui solus e meis filiis est superstes. Il est vraiment dommage que le mot aços, qui n'est pas rare, ne se trouve nulle part employé dans le sens de « survivant. »

J'ai reconnu le nom de Sarpédon, altéré par le copiste, plus bas, après v. 15, en tête de ce que je considère comme un autre fragment. Car, malgré cette coïncidence, j'ai résisté à la tentation de voir ici un seul morceau continu. M. F. Blass, qui consacre à ces fragments un article, récemment paru dans le Rheinisches Museum für Philologie (XXXV, p. 74 sqq.), croit que les 23 trimètres ne forment qu'un seul morceau tiré de l'Europe d'Eschyle, et que cette tragédie roulait sur la mort et les funérailles de Sarpédon. Il comble la lacune du v. 11 en écrivant : δεύτερον δ ̓ ἐγεινάμην Ραδάpavov, et il réserve la première mention de Sarpédon pour les vers 15 sq., que M. Buecheler (dans une suite à l'article de M. Blass) corrige ainsi :

τρίτον δὲ, τοῦ νῦν φροντίσιν χειμάζομαι 1,
Σαρπηδόν(α).

Jusqu'ici, cela marche assez bien, quoique l'on puisse faire une objection. D'après Hésiode (fr. 52, Kinkel) et Apollodore (I, 1, 5), Sarpédon était le deuxième fils d'Europe: aussi ai-je pensé que son nom devait se trouver dans la lacune, avant celui de Rhadamanthe. Diodore (V, 79) est le seul qui place Sarpédon au troisième rang; mais on voit que Diodore s'écarte de la tradition des poètes, puisqu'il distingue deux Sarpédon.

1. Le papyrus porte: TOYNOYNOPNTIZEINXEIMAZETAI. Buecheler dit que le copiste aime à substituer la troisième personne à la première. Je ne vois pas cela: au v. 6, il a pris yuv pour sujet du verbe.

C'est la teneur du deuxième fragment qui rend très difficile l'entreprise de le réunir au premier. Il est vrai que le texte en est extrêmement altéré; mais le sens général se détermine jusqu'à un certain point par le v. 4, que j'ai rétabli ainsi :

Αὐγεῖ δὲ Τρώων ἄστυ πορθήσειν βία.

Il est évident que ces mots ne peuvent se rapporter à un défenseur de Troie; mais ils conviennent très bien à Patrocle, vainqueur de Sarpédon; et comme ce héros trouva, à son tour, la mort en poursuivant sa victoire trop témérairement, je croyais que cette catastrophe était ici pressentie par Nestor ou Phénix ou quelque autre personnage. M. Blass croit entendre Europe craignant pour les jours de son fils, et voici comment il constitue la suite de ce passage:

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Tout en s'écartant de mon interprétation, Blass donne le texte tel que je l'ai rédigé, si ce n'est qu'il conserve la leçon pò cau 5 vers, et qu'il arrange autrement le deuxième, le plus maltraité de tous (KAEOгAPHKEIƐNAOTICAOTICMATOC).

On pourrait amender cette rédaction, en écrivant par exemple :

Κλέος γὰρ ἥκειν (λαγέταν) λωτίσματος...

En effet, αὐχει et πρὸς οὗ ne peuvent guère se référer à λωτίσματος (élite): après ce collectif, un poète grec se serait servi du pluriel plutôt que du singulier. Je suppose qu'Europe avait appris que les Myrmidons ont paru sur le champ de bataille, ayant à leur tête Achille ou un héros revêtu de l'armure d'Achille. Mais, si tel est le sens général du morceau, comment accorder avec ce sens les mots aizu ' "Apews xx0ixsto? Revenir avec Buecheler à la leçon aixus est impossible: aius x20ixsto ne peut signifier que « il obtint la lance. >> Bergk propose aiyis. Ensuite, ne faudrait-il pas dire expressément que le prince Lycien est allé au secours des Troyens et qu'après avoir fait une brèche à la muraille des Grecs, il combat au premier rang? Ou bien, peut-on supposer que le chœur ait déjà fait connaitre ces faits? Frappé de ces inconvénients, Buecheler demande s'il ne faut pas écrire Tλwwv astu (c'est le nom d'une peuplade Lycienne), ou considérer Sarpédon comme souverain de Troie et menacé par une invasion de Cariens. Le remède serait pire que le mal. Si Europe craint de perdre son fils, ce pressentiment a dû se

vérifier. Or Sarpédon trouva la mort, comme auxiliaire des Troyens, dans la plaine de Troie et sous les coups de Patrocle. Que la mère de Sarpédon s'appelât Laodamie ou Europe, la tradition pouvait varier sur ce point; il n'en est pas de même des grands faits de l'histoire de ce héros, trop bien gravés dans toutes les mémoires par l'éclatant récit d'Homère pour qu'aucun poète osât s'en écarter. — Enfin, les derniers vers du morceau n'ont pas été élucidés non plus par les efforts réunis de Blass, de Buecheler et de leurs amis. Ils font dire à Europe : μὴ πάντα παιδὸς ἐκχέω πρὸς αἵ z. Mais, tout en rendant xxéz par « perdre », il ne faut pas oublier que ce verbe veut dire « répandre », et qu'il ne peut s'appliquer qu'à une personne qui cause elle-même la destruction d'une chose or Europe est loin de contribuer à la mort de Sarpédon.

Quant au commencement du morceau (ou des deux morceaux), les trois premiers vers n'offrent pas de sens suivi. Blass essaye de les rattacher les uns aux autres; mais il a négligé de traduire sa restitution, qui est restée obscure pour moi. Les conjectures très ingénieuses de M. Buecheler ne me satisfont pas non plus. Au v. 6, ce savant propose παίδων δ' ἐζύγην ξυνῇ γονῇ,, ce qui vaut certainement mieux que la locution louche iv... Euvάov: (Blass). Cependant il me reste un doute, et je n'abandonne pas žuvwvíz. V. 6-7, il faut lire :

Καὶ τρισὶν ἀγῶσι τοὺς γυναικείους πόνους
ἐκαρτέρησ' ἄρουρα.

Quelque étrange que soit ici le nominatif poup, le mètre l'impose. On doit, sans doute, prendre èxxptépno' pour la troisième personne, ayant pour sujet (ty пalowy) aрoupa, c.-à-d. la mère.

III.

DIVERSES OBSERVATIONS SUR LES AUTRES MORCEAUX.

Dans le fragment de comédie, si le v. 3 exige une correction radicale, j'aime mieux remplacer λ par xpévov (Cobet), que par Bov (Buecheler). V. 4, il n'est peut-être pas nécessaire de substituer πιστεύσατε ὰ πιστεύσεται, c.-a-d. πιστεύσετε. Quant au commencement du vers 5 et à toute la fin du morceau, on n'a jusqu'ici rien proposé qui soit acceptable.

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Dans l'épigramme sur le phare d'Alexandrie, ma correction du 3e vers laissait à désirer. Quant à celle de Cobet, je me permettrai d'y appliquer ce qu'il dit de la mienne : « Non credo hæc ipsi

ingenioso viro diu placitura. » Blass a trouvé la vraie leçon : Οὐ γὰρ ἐν Αἰγύπτῳ σκοπαὶ οὔρεά θ', οἷς ἐπὶ νήσων.

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Cette heureuse conjecture satisfait au sens et est, en même temps, très voisine de la leçon du papyrus (KONAIOYPHCOI. — Au v. 10, le même critique veut lire :

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Je n'en suis pas étonné : car l'examen des deux lettres douteuses du papyrus m'avait d'abord suggéré la même leçon. Je ne l'ai pas même mentionnée, parce qu'elle me paraît indigne de l'auteur de cette belle pièce de vers. Placé entre corpos et Zrvés, le vocatif Пpw serait une intolérable cheville.

Au v. 6, Blass essaye de justifier la legon ἀπλάτων φαίνετ ̓ ἀπὸ σταδίων. Je tiens pour ma correction σπιλάδων, approuvée par Cobet. Mais, d'un autre coté, je crois tout à fait inutile de rien changer au v. 2 de la seconde épigramme :

ἐν περιφαινομένῳ κύματι χῶρον ἔχω.

Cela est très clair, et, si Posidippe modifie quelque peu le sens que la locution v pipavouévy a dans un ou deux passages d'Homère, il en avait certainement le droit et personne ne doit s'en étonner.

Pour ce qui est de la date du papyrus, elle peut, je l'ai dit, se déterminer avec assez de probabilité par le rapprochement du compte de dépenses qui s'y lit et de plusieurs documents du règne de Ptomélée Philomètor. On y retrouve, en effet, les Jumelles (Albox) du Sérapéum, leur entretien aux frais du trésor public, et particulièrement le nom de l'une de ces deux recluses, Taous. Cependant, je me suis abstenu de rien affirmer, car il ne me semblait pas impossible que ces femmes eussent toujours pris les mêmes noms en entrant « en religion ». Depuis, j'ai appris, en causant avec mon collègue, M. Maspero, que déjà sous les Pharaons il y avait des Jumelles dans le Sérapéum et qu'elles ne portaient pas toujours les mèmes noms. Ces faits n'excluent pas l'homonymie (plusieurs de ces recluses pouvaient être de la même famille), mais ils nous permettent d'insister avec plus de confiance sur des rapprochements d'ailleurs si bien autorisés. Il ne restera aucun doute, si M. Blass a raison d'identifier l'économe 'Ayauavons de notre papyrus avec l'Axopappas qu'un papyrus du Louvre 1 désigne comme motáty to fepou sous Philomètor.

1

HENRI WEIL.

1. Papyrus grecs du Louvre, no 26, Pl. XXIX, col. 1, 1. 22 et 25.

Dans un passage de Festus (p. 205 Mueller) actuellement détruit dans le ms. Farnèse, on lit, parmi des gloses extraites des chants des Saliens, la série suivante :

Praedotiont: praeoptant.

Prospices prospice.
Pesnis pennis...

POLTEO pro ulteriore.

Polet: pollet...

Plisima: plurima.

Pretet tremonti: praetemunt pe1.

Perfines perfringas.

Promerion: praecipuum...
Priuiclioes: priuis...

Au lieu de polteo il faut lire polteo, c'est-à-dire pro olteo. L'adjectif olteus est dérivé de ols, orthographe archaïque de la préposition uls, employée concurremment avec la forme ouls dans les Sacra Argeorum que cite Varron, De l. lat. 5,50 et 5,52. Le ms. de Florence et le fragment du Mont-Cassin donnent cinq fois ois pour ols et une fois ouis pour ouls, comme 5,83 uis pour uls. Voir Mémoires de la Société de linguistique de Paris, tome IV, fasc. 3.

Olteus étonne par le suffixe: on aimerait mieux ollicus, qui serait à son équivalent (vrai ou prétendu) ulterior comme anticus, posticus à anterior, posterior. La correction serait incertaine, mais ce ne serait point une de celles auquel il est déraisonnable de penser. Ailleurs dans Festus, ou du moins dans l'abrégé de Festus par Paul (p. 103 Mueller), on retrouve la substitution d'e à ic devant une voyelle ianeus ianitor. Ici en effet il faut lire ianicus (cette variante existe, peut-être par un pur hasard, dans le Guelferbytanus I de Lindemann, ms. du xve siècle 3). La forme ianicus, que les commentateurs latins, à tort ou à raison, interprétaient par ianitor, était dans les chants des Saliens. Aussi Varron comme Verrius Flaccus l'avait citée (De l. lat. 7,27);

1. Lisez ainsi : Prae tet tremonti: praetremunt te.

2. Lisez priuicloes, qui serait en latin de l'âge classique priuiculis, comme oloes est illis.

3. Mueller ne la note pas. Le rapprochement entre le ianitos de Varron et le ianeus ou ianicus de Paul est dû à M. Bücheler, Précis de la déclinaison latine, p. 213, dans la nouvelle édition allemande, p. 16. J'admets entre ces formes une relation autre que celle que M. Bücheler a supposée.

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