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est répétée trois fois'. Il y a un exemple dans Térence, un dans Horace, un dans César', un dans Hirtius; deux dans Columelle, deux dans Properce; trois dans Tibulle; quatre dans Caton, ou plutôt c'est le même (beneque) répété quatre fois"; cinq dans Cornélius Népos 10, et quatorze dans Plaute".

Il est à remarquer que, dans presque tous les exemples qui viennent d'être mentionnés, la particule enclitique est suivie d'un mot qui commence par une voyelle, et par conséquent élidée. En omettant Caton, qui n'observe pas cette règle, sur les trente exemples qui restent, il y a vingt-six fois élision.

Il faut maintenant classer à part trois auteurs, où cette licence fourmille, et sans le moindre souci de l'élision. A eux seuls, ils fournissent trois fois autant d'exemples que tous les autres ensemble. Ce sont Lucrèce, Aulu-Gelle, et l'historien anonyme qui a écrit la guerre d'Afrique, à la suite des Commentaires de César. J'ai compté vingt-sept exemples dans Lucrèce; quarante-quatre dans Aulu-Gelle, y compris, il est vrai, six citations; le troisième, dans ses quelques pages, en a accumulé douze 12.

Au sujet des auteurs où l'on ne rencontre cette licence qu'une seule fois, il n'y aurait sans doute aucune témérité à soupçonner d'erreur soit le copiste, soit l'éditeur. Il n'est guère vraisemblable, par exemple, que César, après avoir écrit dix livres de Commentaires, laisse échapper, justement dans les dernières pages du dernier livre, une locution dont il s'est toujours abstenu jusque-là 13.

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1. Varron, de Ling. lat. VI, 88 (ed. Od. Müller); de Re rust. I, 2, 28; II, 2, 6; II, 3, 5; II, 4, 5 (ed. Schneider).

2. Térence, Andr. I, 3, 12.

3. Horace, Sat. I, 1, 89.

4. César, B. Civ. III, 97, 3. — Quant à l'exemple que Nipperdey, contrairement au texte vulgaire, a introduit B. Gall. VI, 12, 6, la moitié des mss. le rejettent.

5. B. Alex. 23, 1. Je suis l'opinion la plus répandue, qui attribue cet ouvrage à Hirtius.

6. Columelle, III, 2; VI, 16.

7. Properce, II, 14, 6; III, 20, 13.

8. Tibulle, I, 3, 34; I, 5, 11; I, 8, 10.

9. Caton (ed. Schneider), chap. 3, 39, 45, 141.

10. Cornelius Nepos, Alcib. 4, 4; Conon, 2, 3; Epam. 10, 1; Hamilc. 1, 2 Att. 9, 5.

11. Plaute, Aul. IV, 8, 6, et IV, 6, 11; Bacch. IV, 9, 6; Capt. II, 3, 44; Cas. Prol. 73; Cist. I. 1, 25; Merc. II, 3, 53, et II, 3, 115; Most. III, 2, 104; Pœn. Prol. 3, et IV, 2, 90; Trin. I, 2, 39; II, 1, 33, et IV, 3, 27.

12. Cela seul suffirait à prouver que la Guerre d'Afrique est d'une autre main que celle d'Alexandrie et celle d'Espagne. Nipperdey n'a pas même soupçonné cet argument, bien qu'il pousse la comparaison des styles jusqu'aux plus minutieux details, et qu'il aille jusqu'à calculer combien de fois telle tournure ou telle expression a été reproduite.

13. Hirtius dit bien (B. Gall. VIII, 1) qu'il a continué les Commentaires à partir de la Guerre d'Alexandrie; mais les trois livres de la Guerre civile étaient-ils entièrement achevés?

Même dans Columelle, qui contient deux exemples, l'un des deux au moins doit être tenu pour suspect'. Il est bon de se rappeler, à ce propos, ce qui est arrivé pour la conjonction ac. A partir du jour où l'on s'avisa que les bons auteurs ne plaçaient pas ce mot devant une voyelle, on s'aperçut que les premiers éditeurs avaient souvent confondu ac et atq. Une collation plus attentive des manuscrits fit corriger un grand nombre d'exemples fautifs. A la fin, on en vint même à accorder tant d'autorité à la règle nouvellement reconnue, que certains éditeurs n'hésitèrent pas à substituer atque en des endroits où les manuscrits portaient réellement ac. Il est probable que le nombre des que après un e bref diminuerait de même sensiblement, si l'attention était appelée sur ce point. Quelques-uns déjà viennent de disparaitre tout récemment. Ainsi dans Tibulle (I, 6, 48) l'ancien texte portait Sanguineque effuso, où l'édition Teubner a rétabli Sanguine et effuso. De même dans Properce (II, 30, 21) l'hémistiche Spargereque alterna est devenu Spargere et alterna. Dans Lucrèce même (IV, 623), où l'on avait toujours lu exsiccareque cœpit, Lachmann a écrit et siccare coëpit.

Mais c'est le texte de Tite-Live surtout qu'il est intéressant d'étudier à ce point de vue.

Dans les anciennes éditions de Tite-Live, il y eut, à ma connaissance, onze exemples de cette licence. Je ne comprends pas dans ce chiffre ceux que tel ou tel éditeur a parfois introduits en dépit des manuscrits et contrairement au texte reçu. Ainsi je ne compte pas le hiscene (VII, 30, 16) que Gronove avait écrit au lieu de hiscine; ni le mareque (XXXVIII, 48, 4), et le abire nuntiareque (XLIV, 26, 11), que Madvig a substitués par conjecture à marique et à abi renuntia ergo. Je m'en tiens aux onze exemples qui ont figuré dans le texte vulgaire ; et l'on va voir qu'il n'y en a qu'un seul qui soit authentique, et que celui-là n'est pas de Tite-Live. C'est déjà un fait instructif, que la plupart de ces exemples aient été successivement éliminés par des éditeurs qui ne se doutaient pas qu'il y eût là une licence, et simplement parce qu'ils ont été plus judicieux dans le choix ou plus fidèles dans la reproduction des manuscrits. On lisait autrefois (1, 1, 1) Antenoreque, où on lit aujourd'hui Antenorique; (II, 52, 5) ægritudineque, aujourd'hui ægritudinemque; (VI, 14, 13) differenteque, aujourd'hui differentique, excepté toutefois dans Madvig; (XXVII, 46, 9) redireque, aujourd'hui redirique ;

1. L'exemple vetereque axungia. Columelle range ordinairement ces deux mots dans l'ordre inverse axungia vetere.

(XXXIII, 38, 12) contrahereque, aujourd'hui et contrahere; (XXXVI, 17, 11) anteque præcautum, aujourd'hui atque · præcautum.

Voilà six exemples disparus; il en subsiste donc encore cinq dans nos éditions. De ces cinq, deux sont contraires aux manuscrits. En effet (XXXV, 32, 2), au lieu de redierat indeque Menippum secum adduxerat, il fallait écrire, comme l'a entrevu Drakenborch sans le proposer, redierat inde Menippumque secum adduxerat; car, sauf une lettre (quem au lieu de que), telle est la leçon du Moguntinus, la principale autorité pour cette décade. De même (XLV, 19, 11), où Grynæus et tous les autres après lui ont écrit infirmitate ætateque, le manuscrit de Vienne, unique source des cinq derniers livres de Tite-Live, porte infirmitatem ætatemque, texte qui n'a été changé que parce qu'on n'en a pas saisi le sens, et qu'il faut rétablir1.

Enfin, des trois derniers exemples, deux se rencontrent dans des phrases altérées, incorrectes, et qu'il n'a pas encore été possible, malgré bien des essais, d'amender d'une façon satisfaisante. L'un se trouve II, 33, 72; l'autre, que Madvig lui-même, dans son essai de correction, a déjà supprimé, est XLI, 23, 73. Reste donc l'unique

1. Attale, par ambition, était sur le point de desservir son frère Eumène auprès des Romains; un ami commun cherche à l'en détourner, en lui représentant qu'il jouit déjà de toute la considération d'un roi, et qu'il ne saurait tarder à en avoir le titre, puisque son frère est vieux, malade et sans enfants. Voici le texte vulgaire: « Attalum vero, qui ætate proximus sit, quis non pro rege habeat? neque eo solum, quia tantas præsentes ejus opes cernat, sed quod haud ambiguum propediem << regnaturum eum infirmitate ætateque Eumenis esset, nullam stirpem liberum << habentis.» Phrase obscure, embrouillée, à peine correcte, même en substituant sit à esset, comme a fait Madvig. Mais aussi l'on s'est bien écarté du manuscrit, qui porte: quia ætate proximus si... infirmitatem ætatemque eumenes esse nullam. Il faut lire: « Attalum vero, qui ei ætate proximus sit, quis non pro rege << habeat? neque eo solum, quia tantas præsentes ejus opes cernat, sed quod haud ambiguum sit, propediem regnaturum: eam infirmitatem ætatemque Eumenis « esse, nullam stirpem liberum habentis. » En style direct: ea enim est infirmitas ætasque Eumenis.

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2. Voici la leçon des mss. (il s'agit de Marcius qui s'élance dans Corioles): « Per patentem portam ferox irrupit, cædeque in proxima urbis facta, ignem temere abreptum imminentibus muro ædificiis injecit. » Le solecisme est évident. Beaucoup de corrections ont été tentées. Weissenborn s'est contenté d'écrire proximo, ce qui fausse le sens. Madvig a cherché un remède en intervertissant l'ordre des membres de phrase. Je proposerais: « Per patentem portam ferox irrupit, tædæque « in proxima urbis jactæ ignem, temere abreptum, imminentibus muro ædificiis injecit. » Il ramasse une torche lancée par quelqu'un des soldats qui le suivaient. 3. Callicrate reproche aux Achéens de laisser lire dans leur assemblée un message du roi de Macédoine, après qu'ils se sont interdit par un décret tout rapport avec la Macédoine: « Nam qui regibus Macedonum Macedonibusque ipsis finibus inter« dixissemus, manereque id decretum scilicet ne legatos, ne nuntios admitteremus regum, per quos aliquorum ex nobis animi sollicitarentur, ii contionantem a quodam modo absentem audimus regem, et, si diis placet, orationem ejus pro

exemple formidine morteque afficiatis (VIII, 9, 7). Celui-là est incontestable; mais c'est une vieille formule religieuse, que prononce Décius en se dévouant, et dont les pontifes seuls sont responsables.

Il est naturel de conclure de tout ce qui précède, que, aux premiers âges de la langue Latine, on ne trouvait rien de choquant dans la rencontre des enclitiques que, ve, ne, avec un e bref. Cet archaïsme s'est maintenu dans la langue officielle, dans les textes de lois, les décrets, les prières et formules religieuses. Mais dans la littérature, il était déjà devenu très rare à l'époque de Cicéron; et après lui il disparut à peu près complètement, jusqu'à ce que AuluGelle, Ammien Marcellin et les auteurs de la décadence vinssent l'exhumer. AL. HARANT.

TITE LIVE, V, 42, 6.

<< Nec tranquillior nox diem tam fœde actum excepit, lux deinde noctem inquietam insecuta est, nec ullum erat tempus quod a novae semper cladis alicujus spectaculo cessaret. »

La plupart des éditeurs lisent, avec Fr. Gronove, inquieta. Le texte ainsi obtenu ne me paraît pas satisfaisant de tous points: après le passage qui précède (SS 3-5), après les mots nec tranquillior nox diem tam fœde actum excepit », la phrase « lux deinde noctem inquieta insecuta est » serait bien faible; de plus l'accusatif inquietam, que donnent les bons manuscrits, semble demandé par la symétrie de l'expression: diem tam fœde actum, noctem inquietam. Je proposerais de lire, en rapportant tranquillior à la fois à nox et à lux: Nec tranquillior nox diem tam fœde actum excepit (aut) lux deinde noctem inquietam insecuta est, nec ullum erat tempus, etc. » Du t final de excepit l'œil d'un copiste a pu facilement sauter au t final de aut1.

O. RIEMANN.

« bamus. » Manere est inexplicable. Madvig a substitué en cet endroit caventes per id decretum, correction heureuse pour le sens, mais violente. Il est plus simple de supposer dans l'archetype haberem'que, d'où serait venu ensuite habereque, et enfin manereque. Je préférerais donc haberemusque id decretum, en faisant de decretum un participe; cette construction, familière à Cicéron, se rencontre aussi dans Tite-Live, par exemple XL, 8, 15: quæ audita habebam.

1. Tanaquil Faber avait déjà proposé : « excepit (nec) lux, etc. »

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(Herodote, III, 129-130).

« Le roi Darius, en sautant de cheval, se démit le pied, et se le démit d'une façon assez grave, car l'astragale sortit de l'articulation. » Il semble, d'après ce texte, que nous avons affaire ici à une luxation de l'astragale, et non pas à une simple entorse; mais l'expression ne permet pas de déterminer quelle est l'espèce de luxation astragalienne dont il est question (probablement en avant, ou en dehors). « Darius fit appeler les médecins égyptiens qu'il avait autour de lui et qui passaient pour les plus habiles dans l'art de guérir. » Ceux-ci diagnostiquèrent une luxation, car ils essayèrent de la réduire : « Mais, en tordant le pied et en cherchant à lui faire violence, ils augmentèrent le mal. Pendant sept jours et sept nuits, la douleur tint le roi dans l'insomnie; le huitième jour, comme l'état du malade était toujours mauvais, on fit venir le Crotoniate Démocède, aux soins duquel Darius se confia. >> Démocède, ajoute Hérodote, institua un traitement selon la méthode grecque et appliqua ce que nous appellerions aujourd'hui des moyens antiphlogistiques, après les moyens de force ('Eλλquizoïst ἰήμασι χρεόμενος καὶ ἤπια μετὰ τὰ ἰσχυρὰ προσάγων).

1o) Si l'on s'en tient au texte, ces derniers mots signifieraient que Démocède, lui aussi, avait diagnostiqué une luxation, et qu'il réussit à la réduire par des moyens appropriés et exigeant nécessairement l'emploi de la force ( layupá). On pourrait être tenté de voir dans les mots μετὰ τὰ ἰσχυρά une allusion au traitement antérieur des médecins égyptiens, et alors ce traitement aurait été fondé sur une erreur de diagnostic, car dans ce cas il résulterait de notre passage que le mal guéri par Démocède était une simple entorse; toutefois cette explication n'est pas admissible les deux passages sont trop éloignés dans le texte pour que ces termes vagues, per t ioyopź, puissent rappeler l'intervention malencontreuse des premiers médecins.

2o) Si l'on supprime les mots à tà lcxopá, qui pourraient à la rigueur avoir leur origine dans une glose destinée à expliquer α пρosźуwv, le sens devient tout différent : Démocède ne crut pas devoir employer les moyens de force, probablement parce qu'il reconnut qu'il n'y avait pas luxation, mais simplement entorse, et que cette entorse, plus ou moins compliquée de ruptures des ligaments et d'arrachement des surfaces osseuses, avait produit une inflammation assez intense de l'articulation (une arthrite).

Ces sortes d'entorses sont en effet très douloureuses, et s'accom

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