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3. Age d'un Plutarque de Florence.

On ne trouve pas dans le manuel de Paléographie grecque de V. Gardthausen une partie qui pourrait sembler à beaucoup de personnes essentielle, à savoir des fac-simile de manuscrits. L'ouvrage de Montfaucon nous a habitués à penser qu'en feuilletant une Paléographie, on y verra se dérouler une série de planches représentant les types les plus caractéristiques de l'écriture dans son développement séculaire. Aussi Gardthausen recommande-t-il, comme annexe indispensable, quoique imparfaite, de son livre, la collection de cinquante planches récemment publiée par W. Wattenbach et von Velsen: Exempla codicum graecorum litteris minusculis scriptorum (Heidelberg, 1878). Cette belle et intéressante série comprend, outre vingt-deux fac-simile de manuscrits célèbres de Venise ou de Florence, vingt-huit reproductions de manuscrits datés qui s'échelonnent entre les années 835 et 1494. La publication serait plus instructive encore et plus scientifique, si les auteurs avaient toujours photographié la souscription de chacun des documents qu'ils nous présentent comme datés. Faute de cette précaution, il peut arriver qu'ils soient induits et qu'ils induisent à leur tour autrui en erreur. Voici un exemple. La planche IX se compose de deux pages d'un manuscrit de Plutarque conservé à la bibliothèque Laurentienne de Florence. De ces deux pages, celle de gauche appartient au xve siècle; elle remonte à une restauration du volume exécutée à cette époque; c'est aussi ce que disent les auteurs des Exempla. Sur l'âge de la page de droite, des avis peu concordants ont été émis par les divers savants qui ont vu l'original. Bandini proposait de l'attribuer au XIVe siècle; Schöll, au XIIe siècle; Wattenbach et von Velsen, après Montfaucon, le donnent comme spécimen d'écriture de l'an 997. Cette dernière date nous avait, dès le premier moment, beaucoup surpris: l'écriture ne présente pas le moindre caractère d'archaïsme. Aussi est-ce, à ce qu'il semble bien, une date fausse. Les auteurs des Exempla ont, nous ne savons sur la foi de qui, rapporté dans le texte qui accompagne les planches, la fin della souscription comme suit :

Ινδ. ι', ἔτους σφε'.

Cette souscription n'est pas donnée comme provenant de la première main, et les auteurs des Exempla font observer qu'on y reconnaît la même écriture qu'à la page de gauche de la pl. Ix. Cela ne suffisait-il pas pour éveiller la défiance? Puisque le feuillet de la souscription a été recopié, c'est qu'il se trouvait en mauvais état. La main du xve siècle aura-t-elle bien exactement reproduit la

souscription primitive? On peut être assuré que non. Schöll, dont la transcription, dans l'espèce, mérite toute confiance a lu

Ινδ. ι', ἔτους ΑσΦΕ,

ce qui a l'avantage de ne vouloir rien dire du tout, et qu'on avait eu tort de corriger tacitement, sans la moindre probabilité, en‚5 ÞE. Bref, le manuscrit a porté jadis une date, mais une date qu'aujourd'hui nous ne pouvons plus connaître. En étudiant les fac-simile de manuscrits datés, il faudra donc faire abstraction de la planche IX des Exempla. L'inspection du fac-simile, autant qu'on peut porter un jugement sans avoir vu l'original, nous laisse hésitant entre le xie et le x siècle, limites extrêmes.

4. Un prétendu bombycinus de l'an 1095.

Dans une note insérée à la page 207 du tome Ier de cette Revue (nouv. série), deux des trois exemples cités par Montfaucon (Palaeographia graeca, p. 18) de manuscrits grecs écrits sur papier de coton dès le XIe siècle ont été écartés pour des raisons de fait. Or, l'exemple restant se trouve avoir été également invoqué à tort. C'est celui du codex theologicus graecus Vindobonensis no 213 de Lambecius no 193 de Nessel. Ce manuscrit contient le traité pieux de Philippe le Solitaire intitulé Dioptra, suivi de diverses pièces, dont une entre autres, débute par ces vers barbares (voy. Lambecius, Commentar., t. V, p. 82, éd. Kollar) :

Ἐτελειώθη σὺν θεῷ καὶ τὸ παρὸν πυκτίον,

Τὸ πόνημα, τὸ σύγγραμμα, ἡ εὐτελής Διόπτρα,
Διὰ χειρὸς ἁμαρτωλοῦ μοναχοῦ τε καὶ ξένου,
Μηνὶ μαίῳ δώδεκα, Ινδικτιώνος τρίτῃ,
Κύκλος σελήνης δέκατος, ἡλίου εἰκὰς τρίτη,
Ἔτους ἐξακισχίλια καὶ ἑξακῶς πρὸς τούτοις,
Πρὸς δὲ καὶ τρία ἕτερα ἐπὶ τούτοις τυγχάνει

Ἂν δὲ τὸ ὄνομα τοὐμὸν μαθεῖν ἐθέλης, φίλε, κτλ.

Ces vers établissent que Philippe termina le manuscrit original de la Dioptre, le 12 mai 10951.

Mais le manuscrit de Vienne en question n'est pas l'autographe de Philippe. S'il est en papier de coton, ce qui peut fort bien être

1. C'est par suite d'une erreur d'une unité, commise en retranchant 5508 de l'an du monde 6603, que le Père J. Pontanus a fait terminer la Dioptre par Philippe en l'an 1105 seulement, date répétée (d'après lui, à ce que nous pensons) par l'abbé E. Auvray, le récent éditeur des Pleurs de Philippe le Solitaire (22° fascicule de la Bibliothèque de l'École des Hautes Études).

et ce qui est affirmé par Montfaucon, il restera à déterminer l'époque où il a été copié. Ce n'est sûrement pas en l'an de grâce 10951.

5. Manuscrit d'auteurs militaires grecs

à la bibliothèque Barberine.

L'un des manuscrits les plus importants parmi ceux qui renferment, en tout ou en partie, le Corpus des écrivains militaires grecs est le Parisinus 2442, désigné par la lettre P chez C. Wescher, Poliorcétique des Grecs (Paris, 1867), ainsi que dans l'édition qu'a donnée l'an dernier la Revue de Philologie (nouvelle série, t. III: voy. p. 100 sq.) du traité des Fortifications par Philon de Byzance. Ce précieux membranaceus, qui semble remonter au XI-XIIe siècle, est gravement mutilé en deux endroits. En voici la description sommaire, d'après Frédéric Haase (De militarium scriptorum graecorum et latinorum omnium editione instituenda, Berlin, 1847, p. 30 sqq.) et Wescher (ouvrage cité, p. XXVI sq.):

A. Fos 1-55; répondant aux 7 premiers quaternions du volume, tous complets, sauf le premier cahier auquel il manque la feuille enveloppante, c'està-dire son premier et son huitième feuillet.

:

Contenu Tactique d'Elien. ¶ Fragment epi perpov. Stratégique d'Onosandre. Stratégique de Maurice, jusqu'après la table des chapitres et la yvwots onμelwv qui commencent le livre III (la partie inférieure de la dernière page du septième cahier, qui est le dernier de cette première partie, est restée en blanc, ayant été destinée primitivement à recevoir une figure qui n'a jamais été faite).

b. Lacune de huit quaternions, soit 64 feuillets 2.

C. Fos 56-125; répondant à neuf quaternions, numérotés de 16 à 24, tous complets, sauf deux feuillets perdus, savoir: l'un dans le quaternion 18, entre les feuillets cotés 78 et 79, et sur lequel était copié la fin de la Bélopée de Héron; l'autre, dans le quaternion 21, entre les feuillets cotés 91 et 92, et qui avait dû être laissé en blanc comme l'est encore actuellement la page précédente.

1. Le codex Clarkianus graecus 1, à la Bodléienne d'Oxford, contient aussi la Dioptre et passe de même dans le catalogue de la bibliothèque et dans la liste de manuscrits grecs datés chez Gardthausen, Griech. Palaeogr., p. 348, pour avoir été copié en cette même année 1095; c'est une seconde édition de l'erreur commise par Montfaucon à propos du Vindobonensis. Chez Gardthausen, l. l., on remarquera un point d'interrogation à côté de la date de 1095 attribuée à ce Vindobonensis et à ce Clarkianus, et même cette mention à propos du premier: « Unterschrift des Verfassers? » C'est nous-même qui avions suggéré ces doutes à l'auteur au cours de l'impression du volume. Il suffisait, comme on vient de voir, d'ouvrir le catalogue de Lambecius pour convertir le doute en certitude.

2. Une faute d'impression fait dire à Wescher, l. l. : « il manque 74 feuillets », au lieu de 64.

Contenu :- Athénée le Mécanicien. ¶ Biton. ¶ Héron, Chirobaliste et Bélopée. Apollodore, Poliorcétique. ¶ Construction de l'Hélépole appelée Kopa. Philon de Byzance, livre IV suivi du prétendu livre V, mais inachevé et allant seulement jusqu'aux mots pov mεрty aрaxosa; (non compris), p. 103, 1. 4, des Veteres Mathematici.

Ainsi le manuscrit s'arrête incomplet à la fin du vingt-quatrième cahier, au bas du fo 125 yo1, sur les mots Tobs pèv otsiάerv sous xaτà è, quelques pages avant la fin du liber V de Philon de Byzance.

Combien manque-t-il de cahiers à la suite du vingt-quatrième, c'est ce qui n'avait pas pu, jusqu'ici, être déterminé. Un manuscrit de Rome nous apporte là-dessus, et en même temps au sujet de la lacune consignée plus haut sous la lettre b, d'intéressantes révélations.

Le manuscrit auquel nous faisons allusion est conservé à la bibliothèque Barberine : il y a occupé jadis le no 143, et il y porte maintenant la classification II-97. Dès 1637, son existence est signalée par Naudaeus dans son Syntagma de studio militari (livre II, chap. IV, § 8, p. 518, 521, etc.). Karl Konrad Müller, qui vient de faire des recherches dans les bibliothèques d'Italie en vue de la publication prochaine d'une édition d'auteurs militaires anciens, nous en communique gracieusement la description que nous reproduisons ici :

B. Fos 1-62; répondant à huit quaternions, numérotés de 8 à 15, tous complets, sauf le dernier auquel il manque les deux derniers feuillets.

Contenu : Stratégique de Maurice, à partir du livre III, chap. 11, Σtáss Táypatos xtλ. (édit. Scheffer, p. 78, 1. 16). S'arrête (par suite de la chute des deux derniers feuillets), dans le Οὐρβικίου ἐπιτήδευμα qui fait suite au Strategique de Maurice, sur les mots δυσκόλως ὀφθήσεται κάματος (edit. Scheffer, p. 369, 1. 5).

c. Lacune de neuf quaternions, soit 72 feuillets.

D. Fos 63-240; répondant à 22 quaternions, numérotés de 25 à 46, tous complets (dans le 46° quaternion, il y a un feuillet qui n'a pas reçu de cote entre le 234° et le 235°), plus les feuillets 238 (qui porte la numérotation quaternionnaire 47), 239 et 240 (feuillets détachés). En outre, les restes d'un feuillet appartenant à la même feuille que le feuillet 240, avec des traces d'écriture, se voient entre les feuillets cotés 237 et 238.

Contenu :

Commençant avec le fol. 63 ro, Philon de Byzance, fin du liber V à partir des mots ñuov рty aрazosas, p. 103, 1.4 des Veteres Mathematici. Suivent immédiatement, au fol. 63 vo, 1. 27, après une ligne ornée comme séparation, les Cestes de Jules l'Africain. ¶ Puis, au fol. 90 vo, 1. 22, le morceau anonyme Οπως χρὴ τὸν τῆς πολιορκουμένης πόλεως στρατηγόν κτλ. (Veteres Mathematici, p. 317-330 et 361-364), lequel se termine à la ligne 11 du fol.

1. Fol. 124 v. » dans la Revue de Philologie, t. III, p. 101, 22, est une faute d'impression pour « Fol. 125 v. »

I

106 r°. q Viennent ensuite : Fol. 106 ν°, Παρεκβολαὶ ἐκ τῶν στρατηγικῶν παρατάEεov xtλ. (cf. Fr. Haase, .l., p. 14). ¶ Fol. 130 vo, Tactiques de l'Empereur Léon, savoir: 1o Une table des chapitres semblable à celle des Parisini 2437 de l'ancien fonds grec et 36 du supplément grec; 2o Diataxes 1 à xvIII, § 127 (édit. de Lyon 1612, p. 5 à 307, 1.9), πρosбáλλɛiv xal; et 3o, Le § 180 de la Diataxe xx (même édit., p. 403, l. 14-25). ¶ Fol. 214 vo, 1.11 (jusqu'au fol. 234 vo), Nicéphore Phocas, collection de 32 chapitres inédits, désignée souvent sous le titre de Ilept xatastáoew; áñλyxtov (cf. Fr. Haase, l.l., p. 19)1. ¶¶ Fol. 235 ro, Id., Hepi napaopoμйs пoλéμov (édit. B. Hase, à la suite de l'édition citée de Léon le Diacre, p. 181), précédé de la table des chapitres, s'arrêtant inachevé au bas du fol. 240 vo sur le mot inavoxλ!6ava (ibid., p. 198, l. 9).

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Le Parisinus 2442 et le Barberinus II-97 sont tous deux en parchemin, in-folio, du XI-XIIe siècle (à ce qu'il semble); ils portent l'un et l'autre la numérotation quaternionnaire, qui est chez l'un et chez l'autre de première main, sur la première page de chaque cahier, à la partie de gauche de la marge inférieure, entre les deux lignes parallèles à la couture, qui sont tracées à la pointe sèche. En comparant maintenant les deux descriptions, on s'aperçoit tout de suite que la partie B du Barberinus est précisément la même qui, arrachée du Parisinus, y forme la lacune b; puis, que la partie C du Parisinus n'est autre chose que ces neuf quaternions qui, manquant dans le Barberinus, y produisent la lacune c. Bref, replaçons par la pensée les différentes parties A et C, B et D, des deux manuscrits de Paris et de Rome, dans l'ordre A, B, C, D, et (pour ne pas parler de trois ou quatre feuillets perdus dont il a été question ci-dessus en leurs lieux respectifs, non plus que de quelques feuilles qui manqueront encore à la fin du dernier traité) nous aurons intégralement restitué le meilleur exemplaire aujourd'hui connu de ce vaste Corpus de tacticiens et de poliorcètes de la Grèce alexandrine, romaine et byzantine, dont le Vaticanus 1164 (V de Philon) passait depuis longtemps pour l'unique représentant à la fois ancien et complet.

1. C'est la même que celle qui est contenue dans l'Escorialensis Y-III-11 (voy. Graux, Rapport sur une mission en Espagne, dans les Archives des Missions, III' série, t. V, p. 136): il y a deux chapitres de plus que dans la table des chapitres du manuscrit Palatin communiqué par B. Hase dans la préface de son édition de Léon le Diacre, p. xxv, édit. de Bonn, 1828.

2. Müller me communique une description du Vaticanus 1164 plus détaillée que celle de Wescher (Poliorcétique, p. xxiv). C'était originairement un manuscrit de 49 quaternions, comprenant exactement les mêmes matières que le Parisino-Barberinus et exactement dans le même ordre. Mais le premier quaternion, ainsi que les 30, 31, 32, 33, 34°, 37, 38, 39°, 45° et 49° (ou dernier) cahiers ont totalement disparu; du second, il ne reste que deux feuillets; enfin, parmi les cahiers restants, il y en a plusieurs d'incomplets par la chûte d'un ou de deux feuillets. En sorte que, pour ne pas parler des lacunes secondaires, il manque dans le Vaticanus une vingtaine de chapitres en tête de la Tactique d'Elien; toute la compilation intitulée Пxpɛx6xí xt). (voy. ci-dessus la description du Barberinus, partie D); les

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