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C'est là une jolie et utile découverte qu'a faite Müller. Il y a ainsi plus de vieux volumes en parchemin qu'on ne pense, qui, séparés en divers tronçons depuis des siècles, se sont dispersés vers l'époque de la Renaissance dans les bibliothèques les plus éloignées les unes des autres et sans qu'il se soit conservé le moindre souvenir de leur origine commune'. Il y a toujours grand profit pour la science dans le signalement de ces membra disjecta d'un même corps. C'est ainsi que se simplifient et s'éclaircissent les questions de classement des manuscrits par recensions et par groupes, qui sont après tout, les grandes et inévitables questions placées à la base de toute étude critique des textes.

CH. GRAUX.

SUR L'ANTHOLOGIE LATINE.

VI. Nomina feriarum (no 488).

Cette pièce fait partie de celles que M. Riese déclare tirées du ms. du Vatican (Regin. 215), du Ixe siècle. Malheureusement, comme il le dit lui-même, il n'a pu voir ce ms., et il établit le texte d'après le ms. de Saint-Gall, no 878, du IXe siècle et le ms. de Paris no 4883 A, du XIe siècle.

Dans le Reg. 215, les vers 4 et 5 portent, comme le Par. 4883 A :

Mercurius quartam splendens percurrit ovantem.
Juppiter ecce sequens quintam sibi vindicat alte.

M. Riese imprime splendentem possidet altus et sibi jure dicavit. Comme dans tous les vers de la pièce, les verbes sont au présent de l'indicatif, il semble que le texte fourni par le Reg. 215 et le Par. 4883 A soit le plus probable.

ÉMILE CHATELAIN.

cinq ou six premières Diataxes de Léon et cinq autres environ de la 10' à la 14'; les dix-huit derniers chapitres du traité inédit de Nicéphore Phocas (cf. ibid.); enfin les sept ou huit premiers et les quatre ou cinq derniers chapitres du traité du même publié par Hase à la suite de l'édition de Léon le Diacre (p. 181 sq.). Peut-être les différents cahiers dont l'absence produit tous ces vides dans le Vaticanus sont-ils aussi réunis dans quelque bibliothèque en un manuscrit à part, que quelque philologue avisé reconnaîtra et identifiera un jour ou l'autre.

1. Cf. Graux dans les Archives des Missions, l. l., p. 123.-Fr. Haase, un excellent critique, mort bien jeune encore, avait eu l'intuition du résultat que viennent mettre en évidence les recherches de Müller (cf. De milit. script. edit., p. 32). D'autre part, il paraît que Lübbert aurait aussi de son côté vérifié, il y a une quinzaine d'années, la justesse de la supposition avancée par Haase, mais sans rien publier à ce sujet (cf. R. Förster dans l'Hermes, t. XII, p. 455, note 4).

EN PROSODIE.

Je me propose de suivre l'histoire de ces termes de prosodie depuis l'origine jusqu'à nos jours. Ils ont subi dans leur acception des variations encore fort peu connues, dont l'étude ne m'a pas paru sans intérêt, ni même sans utilité pour des Français.

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On sait que, suivant les grammairiens grecs, une syllabe est μxxpà que, quand elle a une voyelle longue ou une diphthongue, comme la seconde syllabe de o ou la première de Meux, et ils disaient que les syllabes deviennent paxpz! 0écs: quand, entre une voyelle brève et la voyelle de la syllabe suivante, il se trouve plusieurs consonnes, comme quand une syllabe se termine par deux consonnes, par exemple λ, , ou que les deux consonnes commencent la syllabe suivante, par exemple Εκτωρ δ' ἐν κλισίησιν, ἕξω, ou que des deux consonnes l'une finit la première syllabe et l'autre commence la seconde, par exemple -λ. Un compilateur latin du Ive siècle, Marius Victorinus, a lu dans les auteurs ou dans l'auteur où il a puisé que la considération de cette sorte de syllabes. était due à ceux qui avaient écrit sur la musique. Cette assertion est confirmée par les scholies d'Héphestion. Nous y lisons que ceux qui s'occupaient de rhythmique, de la théorie de la mesure, comptaient une consonne pour un demi-temps. Les grammairiens avaient emprunté cette considération. Quand, dans un vers, une brève était suivie de deux consonnes, comme dans "Extop, chacune des consonnes, comptant pour un demi-temps, le mot commençait par un temps, e, suivi de deux demi-temps, et, par conséquent

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1. Héphestion (Scriptores metrici Graeci Westphal 3, 16): Oéσɛ: μaxpaì yívovται, ὅταν βραχέος ὄντος ἢ βραχυνομένου φωνήεντος σύμφωνα πίπτη μεταξὺ αὐτοῦ τε καὶ τοῦ τῆς ἑξῆς συλλαβῆς φωνήεντος πλείονα ἑνὸς ἁπλοῦ ἢ ἐν διπλοῦν. Γίνεται δὲ τοῦτο καὶ ἀεὶ ῥᾳδίως κατὰ πέντε τρόπους.

2. Voir le texte ci-dessous.

3. Scriptores metrici etc. 93, 8: τὴν ὡς οἱ γραμματικοὶ λέγουσι δύο χρόνων εἶναι, οἱ δὲ ῥυθμικοὶ δύο ἡμίσεος· δύο μὲν τοῦ ω μακροῦ, ἡμίχρονον δὲ τὸ σ' πᾶν γὰρ σύμφωνον λέγεται ἔχειν ἡμιχρόνιον.

4. M. L. Havet a proposé (Mémoires de la société de linguistique de Paris, tome IV, fascicule 1, 1879) une hypothèse ingenieuse pour expliquer la quantité par position. Suivant lui ce ne sont pas les consonnes qui ont de la durée, c'est la pause qui sépare les syllabes naturelles. La première partie ou syllabe conventionnelle du mot "Extop était longue, parce qu'on prononçait "Ex-twp avec une pause intermédiaire entre le x et let. La première partie des mots comme napós pouvait être employée à volonté comme brève ou comme longue, parce que dans cette condition d'une voyelle brève devant une muette suivie d'une liquide on prononçait tantôt πατρὸς, tantot πατρός.

par deux temps, et c'est ainsi que "Extop faisait un spondée 1. Mais les grammairiens ne suivaient pas au delà les rhythmiciens. Ils ne reconnaissaient dans les vers que des syllabes d'un ou de deux temps, et n'admettaient pas d'autre évaluation de la durée de la syllabe. Ainsi, qui, pour un rhythmicien, avait deux temps et demi, n'en avait que deux pour un grammairien; la première syllabe de As qui avait trois temps pour un rhythmicien, n'en avait que deux pour un grammairien.

Quant aux termes puset, 0éret, Boeckh3 a vu, il y a longtemps, qu'ils étaient empruntés à la philosophie postérieure à Aristote. On discutait dans les écoles la question, déjà agitée anciennement, si les noms ont été imposés aux choses par suite d'une inspiration naturelle et conformément à la nature des choses, gúret, ou par suite d'une fantaisie arbitraire, d'une institution libre et volontaire, sans aucun rapport avec les choses, 0:5. Par analogie, on a appelé en prosodie longue púst, une syllabe qui est telle en quelque sorte par elle-même, et longue et, une syllabe qui est constituée artificiellement, au moins en la plupart des cas, par l'adjonction de consonnes qui n'appartiennent pas à la syllabe qui a la voyelle brève, comme danse-w, "E-xTwp. On ne tenait pas compte des syllabes finales en, comme λ, Hλ, vú, où la voyelle est brève et où les consonnes, représentées par le , appartiennent certainement à la même syllabe que la voyelle brève.

Buttmann a pensé que é: avait fini par signifier par position, par la position de la voyelle et des consonnes voisines. Mais les scholies d'Héphestion, qui représentent la tradition byzantine, montrent que ce terme avait toujours conservé son acception primitive.

1. Scoliaste de Denys le Thrace (Bekker, Anecdota Graeca) 823, 23-26: 6pxxsix ἕνα χρόνον ἔχει καὶ ἕκαστον τῶν συμφώνων ἡμιχρόνιον, ὥστε ταῦτα συνερχόμενα ἀποτελεῖν δύο χρόνους. 833, 11 : σύμφωνα τὰ ἐπιφερόμενα τῇ προκειμένη βραχεία διὰ τῆς αὐτῶν ἐπιφορᾶς χρόνον χαρίζονται.

2. Scriptores etc. 98, 20 : 6 μετρικὸς λόγος οὔτε ἥσσονα μονοχρόνου οἶδεν οὔτε μείζονα typovou. Cf. Scoliaste de Denys, 821, 25-30, dont le texte semble gâté.

3. Buttmann, Ausführliche Griechische Grammatik, I, 33, note. 4. Voir le Cratyle de Platon.

5. Voir Sextus Empiricus, adversus mathematicos I, 142 et suiv. (Bekker 632, 6 et suiv.), et Aulu-Gelle X, 4. - Platon dit vóu, par exemple (Cratyle 384 D) et Aris tote emploie le même terme dans les oppositions analogues (voir l'index de Bonitz). Après Aristote on a dit éget. Platon exprime l'idée sous une autre forme en disant (Crat. 384 D) : οὐ δύναμαι πεισθῆναι ὡς ἄλλη τις ὀρθότης ὀνόματος ή ξυνθήκη καὶ ópokoyia, et Aristote dit de même (de interpr. 2, 16 à 19, 27) pwvǹ onμavtixò xatà συνθήκην. Il dit (Polit. III, 9. 1280 b 10) ὁ νόμος συνθήκη ἐγγυητὴς ἀλλήλοις τῶν δικαίων. Η oppose συνθήκη comme synonyme de νομικόν à φύσει dans Eth. Nicom. V, 10. 1134 b 32, 35, et 8. 1133 a 29.

6. Scriptores etc. 98, 12. Θέσει δὲ καλοῦσι μακρὰς οἱ γραμματικοὶ τὰς γινομένας ἐκ τῆς τῶν συμφώνων ἐπιπλοκῆς.

7. Ausführliche Griechische etc. I, 33, note.

Il y est dit qu'une syllabe n'est longue que qúcs, mais qu'elle devient longue θέσει, que γίγνεσθαι est ici synonyme de τίθεσθαι, et que l'on n'institue, tíoŋo!, que ce qui n'est pas par nature. Buttmann ne cite à l'appui de son assertion que des textes de grammairiens latins2, et nous verrons qu'en effet le sens du mot positione avait changé en Occident, tandis que celui de ce est demeuré le même en Orient.

Varron, en traitant du langage, a rendu l'antithèse puce, o par les adjectifs naturalis, voluntarius: « declinatus verborum », dit-il, IX, 34 « et voluntarios et naturales esse puto, voluntarios quibus homines vocabula imposuerunt rebus quædam, ut ab Romulo Roma, ab Tibure Tiburtes, naturales ut ab impositis vocabulis quæ inclinantur in tempora aut in casus, ut ab Romulus Romulo, Romuli, Romulum, et ab dico dicebam, dixeram. »

Nous ne savons pas comment il avait exprimé cette antithèse en prosodie. Nous ne rencontrons pas les termes de syllaba longa natura, positione, avant Quintilien, à qui ils devaient être antérieurs; car il les emploie comme des termes consacrés. Il s'explique sur la longueur par position absolument comme les auteurs grecs, dont il avait certainement tiré ce qu'il dit en son IXe livre sur la prosodie et la métrique (IX, 4, 86): « In dimensione pedum, syllaba quæ est brevis, insequente vel brevi alia, quæ tamen duas primas consonantes habeat, fit longa; ut agrestem tenui musam....... A brevis, gre brevis, faciet tamen longam priorem; dat igitur illi aliquid ex suo tempore: quomodo, nisi habet plus quam quæ brevissima, qualis ipsa esset detractis consonantibus? Nunc unum tempus accommodat priori, et unum accipit a sequente: ita duæ natura breves positione sunt temporum quatuor. » On ne voit pas dans ce passage comment il entendait l'expression positione; mais il suit les Grecs de si près qu'il est probable qu'il donnait à ce terme le sens que les Grecs donnaient à 0éget.

Après Quintilien, le premier auteur où se trouve ce terme est Aulu-Gelle. A propos de subiicit, il dit (IV, 17, 8) que l'i « vim consonantis capit, et idcirco ea syllaba productius latiusque paulo pronuntiata priorem syllabam brevem esse non patitur, sed reddit eam positu longam. » Il a entendu le mot au sens des Grecs, car il dit ailleurs (X, 4) : « Quod P. Nigidius argutissime docuit nomina non positiva esse, sed naturalia. — Nomina verbaque non positu fortuito, sed quadam vi et ratione naturæ facta esse, P. Nigidius

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1. Scriptores etc. 100, 14. τὸ γίνονται ἀντὶ τοῦ τίθενται· τίθησι γάρ τις τὸ μὴ οὕ τως φύσει ἔχον.

2. Encore le texte de Marius Victorinus est-il le seul qui s'y rapporte.

3. On ne cite que ce passage d'un auteur ancien où cet adjectif soit employé avec cette acception. Il reparaft plus tard au moyen âge dans ius positivum opposé à

in grammaticis commentariis docet, rem sane in philosophiæ discertationibus celebrem. Quæri enim solitum apud philosophos : φύσει τὰ ὀνόματα sint ἡ θέσει. In eam rem multa argumenta dicit, cur videri possint verba esse naturalia magis quam arbitraria. » Le terme de positio n'est défini dans aucune des compilations qui nous ont transmis la tradition grammaticale des Latins, si ce n'est dans celle de Marius Victorinus, où il est défini comme la transposition des consonnes dans la syllabe qui a la voyelle brève (2476, P. 35, 6 Keil): « Positio autem consonantium litterarum breves syllabas secundum disciplinam legemque metricæ artis efficit longas. Nam parente natura omnis vox sub duorum accentuum sono ore mortalium promitur, producto scilicet aut correpto, ex quibus alter extenditur, alter contrahitur. Igitur cum in metris longa syllaba opus esset, ut ea quæ brevis lege naturæ prolata videbatur longa efficeretur, a principibus musicæ artis auctoribus positio, id est duarum consonantium copulatio, reperta atque inducta est. Hæc deinceps observatio consensione poetarum legem dedit, quæ auctoritatem de vetustate temporis trahens disciplinam veluti sacrosanctæ in metris observationis ceteris sanxit. »

Je ne sais si cette définition a été imaginée par le compilateur ou tirée de la source où il a puisé. En tout cas, on voit qu'il dit que la position allonge la syllabe; et en général tous les grammairiens anciens disent que les syllabes sont (sisi, sunt) longues par nature et deviennent (ylyvovta, fiunt) longues par position; mais Marius Victorinus ne dit pas et aucun grammairien ancien, grec ou latin, ne dit que la position allonge la voyelle. Je n'ai pas rencontré cette manière d'exprimer la quantité par position avant le Ixe siècle. On lit dans un commentaire sur l'ars major de Donat, probablement composé à Auxerre, et qui nous a été conservé dans un manuscrit du IXe siècle (Bibliothèque nationale, 7491 A): « Positio quare dicta? a ponendo, eo quod poete abstrahant duo dimidia tempora in metro a sequentibus consonantibus, ut vocalis correpta queat esse producta habens ex se unum tempus et ex sequentibus consonantibus alterum. » On voit que le mot positio est défini comme dans Marius Victorinus. Dans un autre commentaire sur l'ars major de Donat, qui se lit dans un manuscrit du xe siècle (Einsiedeln, 172. Hagen, Anecdota Helvetica, p. 226, 8): « Positione, id est missione, quia ibi duas consonantes

ius naturale (S. Thomas, summa theologica secunda secundae, quaest. 57, art. 2), en Français droit positif, droit naturel. Boëce dit (in Aristotelem, de interpr. prima editio, ed. Meiser 37, 22): « horum... quattuor» c'est-à-dire res, intellectus, vox, littera & duae sunt naturales, duae secundum nominum positionem. Voces namque et litterae secundum positionem sunt, intellectus autem et res naturaliter.»>

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