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cent vingt vaisseaux, qui font vingt-quatre mille hommes. Quant aux troupes de terre que donnèrent les Thraces, les Pæoniens, les Eordes, les (298) Bottiéens, les Chalcidiens, les (a) Bryges, les Pières, les Macédoniens, les Perrhæbes, les Ænianes, les Dolopes, les Magnésiens, les Achéens, et tous les peuples qui habitent les côtes maritimes de la Thrace, elles alloient, à ce que je pense, à trois cent mille hommes. Ce nombre, ajouté à celui des troupes Asiatiques, faisoit en tout deux millions six cent quarante et un mille six cent dix hommes.

CLXXXVI. Quoique le nombre des gens de guerre fût si considérable, je pense que celui des valets qui les suivoient, des équipages des navires d'avitaillement, et autres bâtimens qui accompagnoient la flotte, étoit plus grand, bien loin de lui être inférieur. Je veux bien cependant le supposer ni plus ni moins, mais égal. En ce caslà, il faisoit autant de milliers d'hommes que les combattans des deux armées (b). Xerxès, fils de Darius, mena donc jusqu'à Sépias et aux Thermopyles cinq millions deux cent quatre-vingttrois mille deux cent vingt hommes.

CLXXXVII. Tel fut le total du dénombrement de l'armée de Xerxès. Quant aux femmes qui faisoient le pain, aux concubines, aux eunu

(a) Voyez ci-dessus, §. LXXIII.

(b) L'armée de terre et celle de mer.

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ques, personne ne pourroit en dire le nombre avec exactitude, non plus que celui des chariots de bagages, des bêtes de somme, et des chiens Indiens qui suivoient l'armée, tant il étoit grand. Je ne suis par conséquent nullement étonné que des rivières n'aient pu suffire à tant de monde; mais je le suis qu'on ait eu assez de vivres pour tant de milliers d'hommes. Car je trouve par mon calcul, qu'en distribuant par tête une (299) chénice de bled seulement chaque jour, cela feroit par jour cent (300) dix mille trois cent quarante médimnes, sans y comprendre celui qu'on donnoit aux femmes, aux eunuques, aux bêtes de trait et de somme et aux chiens. Parmi un 'si grand nombre d'hommes, personne par sa beauté et la grandeur de sa taille, ne méritoit mieux que Xerxès de posséder cette puissance.

CLXXXVIII. L'armée navale remit à la voile, et étant abordée au rivage de la Magnésie situé entre la ville de Casthanée et la côte de Sépias, les premiers vaisseaux se rangèrent vers la terre, et les autres se tinrent à l'ancre près de ceux-là. Le rivage n'étant pas en effet assez grand pour une flotte si nombreuse, ils se tenoient à la rade les uns à la suite des autres, la proue (301) tournée vers la mer, sur huit rangs de hauteur. Ils passèrent la nuit dans cette position. Le lendemain dès le point du jour, après un temps serein et un grand calme, la mer s'agita; il s'éleva une furieuse tempête, avec un grand vent d'Est

(302) que les habitans des côtes voisines appel'lent (a) Hellespontias. Ceux qui s'apperçurent que le vent alloit en augmentant, et qui étoient à la rade, prévinrent la tempête, et se sauvèrent ainsi que leurs vaisseaux, en les tirant (303) à terre. Quant à ceux que le vent surprit en pleine les uns furent poussés contre ces endroits du mont Pélion qu'on appelle Ipnes (b), les autres contre le rivage; quelques-uns se brisèrent au promontoire Sépias; d'autres furent portés à la ville de Mélibée; d'autres enfin à Casthanée, tant la tempête fut violente.

mer,

CLXXXIX. On dit qu'un (c) autre Oracle ayant répondu aux Athéniens d'appeler leur gendre à leur secours, ils avoient, sur l'ordre de cet Oracle, adressé leurs prières à Borée. Borée, selon la tradition des Grecs, épousa une (304) Athéniène, nommée Orithyie, fille d'Erechthée. Ce fut, dit-on, cette alliance qui fit conjecturer aux Athéniens que Borée étoit leur gendre. Ainsi, tandis qu'ils étoient avec leurs vaisseaux à Chalcis d'Eubée pour observer l'ennemi, dès qu'ils se furent apperçu que la tempête augmenteroit, ou même avant ce temps-là, ils firent des sacrifices à Borée et à Orithyie, et les conjurèrent de les secourir, et de briser les vaisseaux des

(a) Vent d'Hellespont.

(b) Fours.

(c) Un autre que ceux dont il a été fait mention plus haut, S. cxL et suivans.

Barbares, comme ils l'avoient été auparavant aux environs (a) du mont Athos. Si, par égard pour leurs prières, Borée tomba avec violence sur la flotte des Barbares, qui étoit à l'ancre, c'est ce que je ne puis dire. Mais les Athéniens prétendent que Borée, qui les avoit secourus auparavant, le fit encore en cette occasion. Aussi lors→ qu'ils furent de retour dans leur pays, ils lui bâtirent une (305) chapelle sur les bords de l'Ilissus.

CXC. II périt dans cette tempête quatre cents vaisseaux, suivant la plus petite évaluation. On y perdit aussi une multitude innombrable d'hommes, avec des richesses immenses. Ce naufrage fut très-avantageux à Aminoclès, fils de Crétinès, Magnète, qui avoit du bien aux environs du promontoire Sépias. Quelque temps après il enleva quantité de vases (b) d'or et d'argent que la mer avoit jetés sur le rivage. Il trouva aussi des trésors des Perses, et se mit en possession d'une quantité immense d'or. Cet Aminoclès devint très-riche par ce moyen, mais d'ailleurs il n'étoit pas heureux; car ses enfans (306) avoient été tués, et il étoit vivement affligé de ce cruel malheur.

CXCI. La perte des vaisseaux chargés de vivres et autres bâtimens étoit innombrable. Les Commandans de la flotte, craignant que les Thessa

(a) Voyez liv. vI, §. XLIV, XCV, et liv. (b) Vases à boire.

VII,

S. XXI.

liens ne profitassent de leur désastre pour les attaquer, se fortifièrent d'une haute palissade, qu'ils firent avec les débris des vaisseaux; car la tempête dura trois jours. Enfin les Mages l'appaisèrent le quatrième jour en immolant (307) des victimes au Vent, avec des cérémonies magiques en son honneur, et outre cela par des sacrifices à Thétis et aux Néréides, ou peut-être s'appaisat-elle d'elle-même. Ils offrirent des sacrifices à Thétis, parce qu'ils avoient appris des Ioniens, qu'elle avoit été enlevée de ce canton là même par Pélée, et que toute la côte de Sépias (308) lui étoit consacrée, ainsi qu'au reste des Néréides. Quoi qu'il en soit, le vent cessa le quatrième jour.

CXCII. Les Héméroscopes (a) accourant des hauteurs de l'Eubée, le second jour après le commencement de la tempête, firent part aux Grecs de tout ce qui étoit arrivé dans le naufrage. Ceux-ci n'en eurent pas plutôt eu connoissance, qu'après avoir fait des libations à Neptune Sauveur, et lui avoir adressé des voeux, ils retournèrent à la hâte à l'Artémisium, dans l'espérance de n'y trouver qu'un petit nombre de vaisseaux ennemis. Ainsi les Grecs allèrent pour la seconde fois à l'Artémisium, s'y tinrent à la rade, et donnèrent depuis ce temps à Neptune le surnom de Sauveur, qu'il conserve encore maintenant.

(a) Voyez la note 294, §. CLXXXII.

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