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événement, du moins je me flatte d'en approcher de bien près.

1o. Hérodote rapporte que Milet (a) ayant été prise par les Perses, les Samiens passèrent en Sicile avec quelques Milésiens, sur l'invitation des Zancléens, et qu'ils s'emparèrent de Zancle par une perfidie. Or, Milet a été prise la troisième année de la soixante-dixième Olympiade; Zancle n'a donc pu être occupée par les Samiens que la quatrième année de cette Olympiade. Thucydides (b) confirme ce récit, en disant que les Zancléens furent chassés par les Samiens et d'autres Ioniens, qui, fuyant les Mèdes, avoient abordé en Sicile. Mais comme ils en furent chassés (c) peu de temps après par Anaxilas, Tyran de Rhégium, qui y établit des habitans de différentes nations, et lui donna le nom de Messène, il faut voir en quel temps vivoit Anaxilas.

Si nous avions les livres de Diodore de Sicile, qui sont perdus, on pourroit fixer l'année de la prise de Zancle par Anaxilas; mais puisque le sort nous les a enviés, il faut tâcher de tirer parti de ceux qui nous restent. On trouve dans cet Auteur (d), qu'Anaxilas, Tyran de Rhégium et de Zancle, mourut la première année de la soixante-seizième Olympiade, après un règne de dix-huit ans. Il a donc commencé à régner à Zancle, la troisième année de la soixante-onzième Olympiade. Quant au commencement de son règne à Rhégium, on l'ignore. On ne peut cependant douter qu'il ne fût Tyran de cette ville, lorsque les Samiens s'emparèrent de Zancle.

2°. Tout concourt à prouver l'époque de ces événemens. 1°. Quand les Samiens envahirent Zancle, Hippocrates,

(a) Herodot. lib. v1, §. xx11.

(b) Voyez le commencement de la note 202, page 383. (c) Thucydid. lib. vi, S. y, pag. 380.

(d) Diodor. Sicul. lib. xi, §. xivui, tom. 1, pag. 440.

Tyran (a) de Géla, jouoit un très-grand rôle; il trahit les Zancléens, quoiqu'ils fussent ses alliés, et partagea leurs dépouilles avec les Samiens. Or, on sait le temps où vivoit cet Hippocrates. Gelon, qui fut depuis Tyran de Syracuses, étoit alors un de ses (b) gardes, et Général de sa (c) Cavalerie, ἁπάντων τῶν ἱππέων τὴν ἐπιμέλειαν ἐκείνῳ (Γέλωνι) παρέ Jane. Ce fut ce même Gélon qui fut Tyran de Syracuses, et qui battit les Carthaginois commandés par Amilcar, dans le même temps que les Grecs défirent Xerxès.

2o. Anaxilas épousa Cydippe, fille de Térillus, Tyran d'Himère, qui, se voyant chassé de cette ville par Théron, Tyran d'Agrigente, demanda du secours aux Carthaginois. Or, ce fut cette armée que défit Gélon à Himère.

3°. Le même Anaxilas (d) vouloit entièrement détruire les Locriens; mais il en fut empêché par Hiéron, comme le raconte Epicharme, dans une de ses Pièces, appelée les Hes : ὅτι δὲ Αναξίλαος Λοκροὺς ἐθέλησεν ἄρδην ἀπολέσαι, καὶ ἐκωλύθη πρὸς Γέρωνος, ἱστορεῖ καὶ Επίχαρμος ἐν Νάσοις. Epicharme étoit (e) contemporain d'Hiéron, et même il vivoit à sa Cour, et Hiéron étoit contemporain (f) de Xerxès; puisqu'il succéda à son frère Gélon, Timosthènes étant Archonte à Athènes, c'est-à-dire, la troisième année de la LXXV Olympiade.

4°. Lorsqu'Anaxilas conseilla aux Samiens de s'emparer de Zancle, les Zancléens avoient pour Tyran (g) Scythès. Or, on connoît le temps où vivoit Scythès, et par consé

(a) Herodot. lib. VI, §. XXIII.

(b) Id. lib. vII, §. CLIV.

(c) Timæus apud Schol. Pindari, Nem. Od. Ix, vers. 95, pag. 404, col. 2.

(d) Pindari Schol. ad Pyth. Od. 1, vers. 99, pag. 172, col. 2 lin. 6.

(e) Marmora Oxon. Epoch. 56, pag. 29,

(f) Diodor. Sicul. lib. x1, §. XXXVII, tom. 1, pag. 434.

(g) Herodot, lib. VI, §. XXIII:

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quent celui d'Anaxilas, son contemporain. Hérodote raconte (a), que s'étant sauvé de la ville d'Inycum, où Hippocrates l'avoit envoyé prisonnier, il se retira eu Asie, auprès de Darius.

Je me suis étendu sur ces preuves, et j'ai rapporté plusieurs synchronismes, parce que Pausanias place la prise de Zancle, par Anaxilas, près de deux siècles auparavant, méprise grossière que n'ont relevée ni Sylburge, ni Kuhnius, qui ont donné une édition de cet Auteur, ni l'Abbé Gédoyn qui l'a traduit. Voici la substance du passage de Pausanias.

« Messène (b) étant prise par les Lacédémoniens, Ana» xilas, Tyran de Rhégium, envoya prier les Messéniens » de passer en Italie. Quand ils y furent arrivés, il leur >> proposa la conquête de Zancle. Ayant accepté cette pro» position, Anaxilas battit sur mer les Zancléens, et les >> Messéniens les défirent sur terre. Zancle fut ensuite assié» gée, et ayant été prise, la ville fut partagée avec les » vainqueurs, et prit le nom de Messène. Cela se passa la » trentième Olympiade et l'année que Chionis de Lacédé-' »mone remporta le prix pour la troisième (c) fois, Mil» tiades étant pour lors Archonte à Athènes »>.

J'ai prouvé, par plusieurs synchronismes, l'âge où a vécu Anaxilas, de manière à ne pas laisser le moindre doute dans l'esprit de mes lecteurs; mais comme on pourroit m'objecter qu'il y a peut-être eu (d) deux Anaxilas, Tyrans de Rhegium, je vais maintenant faire voir que l'Anaxilas de Pausanias, est le même que celui dont parlent Hérodote, Thucydides, Diodore de Sicile, &c.

(a) Herodot. lib. vi, S. XXIV.

(b) Pausan. Messenic. sive lib. IV, cap. xxIII, pag. 336 et 357. (c) J'ai suivi ici et un peu plus haut, la correction de Meursius adoptée par l'Abbé Gédoyn.

(d) C'est ce qu'a fait M. Fréret. Voyez les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, tom. vII, Mémoires, pag. 3oo et suiv.

1o. L'Anaxilas de Pausanias étoit Tyran de Rhegium; il assiégea (a) Zancle, et l'ayant prise, il changea son nom en celui de Messène. Celui de Thucydides étoit (b) Tyran de Rhegium; il prit Zancle et la nomma Messène, du nom de la patrie de ses Ancêtres.

Ces circonstances prouvent que Pausanias et Thucydides parlent d'une seule et même personne. Car s'il est difficile de se persuader qu'il y ait eu deux Anaxilas, Tyrans de Rhegium, qui aient pris Zancle, il est impossible que tous deux lui aient donné le nom de Messène.

2o. L'Anaxilas d'Hérodote est le même que celui de Thucydides et de Pausanias. Celui de Thucydides prit Zancle (c), peu après que les Samiens, qui avoient échappé aux Mèdes, s'y furent établis. Or celui d'Hérodote étoit Tyran de Rhegium, lorsque les Samiens vinrent en Italie après avoir échappé aux Mèdes, et ce fut lui qui leur conseilla de s'établir à Zancle. Bien plus, l'Anaxilas d'Hérodote (d) avoit pour homme d'affaire un nommé Micythus, fils de Choiros; Pausanias parle en un autre endroit (e) de Micythus, serviteur et intendant d'Anaxilas, Tyran de Rhegium, et même il cite en preuve Hérodote; ce qui prouve que dans les deux passages où il fait mention d'Anaxilas, il est question de la même personne.

3°. L'Anaxilas de Diodore de Sicile est le même que celui d'Hérodote et de Pausanias, puisqu'il étoit aussi Tyran de Rhegium et de Zancle, et que son (ƒ) intendant nommé Micythus, fut le tuteur de ses enfans, et gouverna leur Etat pendant leur minorité.

(a) Pausan. lib. iv, cap. xxIII, pag. 337.

(b) Thucydid. lib. vi, §. v, pag. 380.

(c) Id. ibid.

(d) Herodot. lib. vII, §. CLXX.

(e) Pausan. Eliac. prior. sive lib. v, cap. xxvi, pag. 447. (f) Diodor. Sicul. lib. XI, §. XLVIII et LXVI, tom. I, pag. 440 et 454.

4o. Macrobe dit aussi qu'Anaxilas, Tyran de Rhegium, fonda la ville de Messane en Sicile, et qu'en mourant il recommanda ses enfans (a) à son serviteur Micythus, qui s'acquitta avec beaucoup de fidélité de l'emploi qu'il lui avoit confié.

Après avoir prouvé d'abord qu'Anaxilas étoit contemporain de Darius et de Xerxès, et par conséquent qu'il ne pouvoit avoir vécu en la trentième Olympiade, comme le prétendoit Pausanias, que l'Anaxilas de cet Auteur étoit le même que celui d'Hérodote, de Thucydides, de Diodore de Sicile, je vais démontrer par son propre ouvrage qu'Anaxilas vivoit dans le temps que je lui assigne avec les autres Historiens qui en font mention.

pas

Micythus, dit Pausanias (b), serviteur et intendant d'Anaxilas, Tyran de Rhegium, fit présent à Olympie de plusieurs statues, qui étoient l'ouvrage de Denys et de Glaucus d'Argos. On peut connoître, ajoute-t-il, le temps où ils ont vécu par celui de Micythus qui les employa. Si cette conséquence est juste, il n'en est moins certain qu'on peut aussi connoître le siècle de Micythus par celui de ces deux Statuaires. Or, Pausanias nous apprend lui-même que Denys (c), l'un d'entr'eux, jeta en fonte un cheval de bronze pour Phormis, Général de Gélon et de Hiéron; et le même Auteur nous assure que Gélon et Hiéron vivoient dans (d) le temps de l'expédition de Xerxès, qui est celui-là même que j'ai prouvé être celui de la Tyrannie d'Anaxilas.

Je me suis étendu fort au long sur les preuves du temps où la ville de Zancle prit le nom de Messène, parce que Pausanias ayant placé cette époque plus de cent cinquante

) Macrob. Saturn. lib. 1, cap. x1, pag. 213.

(b) Pausan. pag. 446 et 447. Ceci est plutôt la substance de ce passage qu'une traduction littérale.

(c) Pausan. Eliac. prior. sive lib. iv, cap. xxvII, pag. 447 et 448. (d) Pausan. Arcad. sive lib. vIII, cap. XLII, pag. 687.

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