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une gorge et prête à être écrasée. Il n'y a qu'un parti à prendre, ajouta le tribun; hatezvous de faire marcher 400 soldats à cette verrue, (c'est le terme de Caton pour désigner un poste escarpé) exhortez, ordonnez qu'ils s'en rendent maîtres. Dès que les Carthaginois s'apercevront de cette manœuvre, ils détacheront leurs guerriers les plus lestes et les plus déterminés pour renverser cette poignée de légionnaires: ce point les occupera tout entiers. I est vrai que nos combattans y seront hachés mais pendant que l'ennemi s'échauffera au carnage, profitez du moment décisif pour tirer l'armée d'un poste si funeste, et sûrement c'est le seul moyen de la sauver.

Le conseil est bon, dit le général consterné, je crois même qu'il est indispensable de le suivre; mais quel officier assez intrépide conduira les 400 hommes à cette éminence, sous les yeux de l'ennemi? Proposez, Seigneur, repond le tribun, et si personne ne s'offre, nommez Cædicius, que la perte de son sang soit votre salut et celui de Rome. Les éloges et lés remercîmens du consul, lui servent de signal: Cædicius et ses braves compagnons marchent à la mort.

L'ennemi attentif aux démarches des Romains, et surpris de l'audace de la petite troupe qui s'avançoit, n'eut pas plutôt deviné son dessein, que l'élite de la cavalerie et de l'infanterie role à sa rencontre. Les légionnaires investis font ferme, repoussent les assaillans, entretiennent long-temps un combat douteux et terrible; enfin le nombre accable la valeur; le détachement entier tombe percé de coups d'épée, ou couvert de traits. Pendant ce combat sanglant le consul s'ébranle, sort

dum ea pugna fit, se in locos tutos, atque, editos subducit. Sed quod illi tribuno duci militum quadringentorum divinitùs eo prælio usus venit, non jam nostris, sed ipsius Catonis verbis subjecimus. Verba Catonis : Dii immortales tribuno militum fortunam ex virtute ejus dedêre, Nam ita evenit, cùm saucius multifariam ibi factus esset, tum vulnus capiti nullum evenit. Eumque inter mortuos defatigatum vulneribus, atque spirantem, quòd sanguen defluxerat, cognovêre: eum sustulêre : isque con valuit sæpèque post illam operam reipublicæ fortem atque strenuam perhibuit : illoque facto, quòd illos milites subduxit, exercitum cæterum servavit. Sed idem benefactum loco in quo ponas, nimium interest. Leonidas Lacedæmonius laudatur, qui simile apud Thermopylas fecit. Propter ejus virtutes omnis Græcia gloriam, atque gratiam præcipuam claritudinis inclytissimæ decoravêre monumentis, signis, statuis, elogiis, historiis, aliisque rebus gratissimum id ejus factum habuêre. At tribuno militum parva laus pro factis relicta, qui idem fecerat, atque rempublicam servaverat. Hanc Q. Cæditii virtutem M. Cato tali suo testimonio decoravit, Cl. autem Quadrigarius annalium tertio, non Cæditio pomen fuisse refert, sed Laberio.

insensiblement de l'embuscade, et court asseoir son camp dans un terrein sûr et bien ouvert.

Mais que Caton raconte lui même le trait singulier de la protection du ciel, sur le chef de ces quatre cents héros. « Dieux immortels s'écrie-t-il, vous avez récompensé d'un bonheur unique l'audace de ce guerrier. Déchiré de blessures, il n'en reçoit point de mortelles : on le trouve perdant tout son sang, n'ayant plus qu'un souffle de vie, on l'emporte, et il guérit. Il reparut souvent au milieu des combats, et sa valeur rendit encore à la républi que les services les plus signalés. Il est certain

que

le conseil de Cadicius sauva l'armée, mais il importe d'examiner quel degré de gloire et quelle récompense on devoit assigner à celui qui sut le donner et l'exécuter. L'histoire rapporte une action pareille du général des Spartiates, au passage des Thermopyles. Toute la Grèce s'empressa d'exalter sa valeur et son zéle pour la patrie; les monumens les statues, le chant des poëtes, tout fut employé pour immortaliser la générosité de Léonidas et la reconnoissance de Lacédémone (1). Le nom de notre tribun, qui par un trait semblable sauva Rome, est à peine connu dans les annales de la république. »

Tel est l'éloge que M. Caton consacre à la vertu guerrière de Q. Cædicius. Clodius Quadrigarius, dans le troisième livre de ses annales, dit que ce fameux tribun s'appeloit Labérius.

(1) Léonidas, roi des Lacédémoniens, s'acquit une gloire immortelle en défendant avec trois cents hommes d'élite, le détroit des Thermopyles contre l'innombrable armée de Xerxès.

Ortus Scipionis Africani.

C. OPPIUS, et Julius Hyginus, aliique, qui de vita et rebus Africani scripserunt, matrem ejus diu sterilem existimatam tradunt: Publium quoque Scipionem, cum quo nupta erat, liberos desperavisse. Posteà in cubiculo atque in lecto mulieris, cùm absente marito cubans sola obdormisset, visum repentè juxta eam cubare ingentem anguem eumque iis qui viderant territis et clamantibus, elapsum inveniri non quisse id ipsum P. Scipionem ad aruspices retulisse Eos sacrificio facto respondisse, fore ut liberi gignerentur. Neque multis diebus postea, quàm ille anguis in lecto visus est, mulierem concepisse concepti fœtus signa, atque sensum pati: exinde mense decimo peperisse natumque esse hunc P. Scipionem Africanum, qui Annibalem, et Carthaginienses in Africa bello Punico secundo vicit. Sed et eum impendio magis ex rebus gestis, quàm ex illo ostento, virum esse virtutis divinæ creditum est.

Id etiam dicere haud piget, quod iidem illi, quos supra nominavi, litteris mandaverint, Scipionem hunc Africanum solitavisse noctis extremo, priusquàm dilucularet, in Capitolium ventitare, ac jubere aperiri cellam Jovis, atque ibi solum diu demorari, quasi

Naissance de Scipion l'Africain.

CAIUS (2) OPPIUS, J. Hyginius, et tous ceux qui ont écrit la vie du vainqueur de l'Afrique rapportent de sa mère le même prodige, que l'histoire Grecque raconte d'Olympias épouse de Philippe et mère d'Alexandre. Si l'on en croit les relations Romaines, cette dame passa long-temps pour stérile, et son époux n'en attendoit plus de postérité. Un jour, qu'en son absence, elle reposoit seule, ses esclaves aperçurent un serpent énorme couché à ses côtés; leurs mouvemens de frayeur et leurs cris ayant fait disparoître le monstre, il ne fut jamais possible de découvrir aucune trace de sa fuite. Scipion, informé d'une aventure aussi singulière, fit offrir des sacrifices et consulta les augures; ils lui déclarèrent que la stérilité s'étoit éloignée de son lit, et que le ciel lui donneroit des enfans: peu de jours, en effet, après la visite du serpent, son épouse sentit les premiers indices de grossesse ; au bout de neuf mois, elle donna le jour à ce fils, qui dans la seconde guerre Punique, défit Annibal et les Carthaginois, et mérita le glorieux surnom d'Africain. Du reste, ce grand homme dut moins au prodige de sa naissance, qu'à ses exploits, la réputation d'un homme divin.

Je ne rougis point de rapporter, avec les même historiens, qu'au moment où le premier crépuscule se dégage des ombres de la nuit, Scipion l'Africain avoit coutume de monter au Capitole; il se faisoit ouvrir le temple de Jupiter, et prosterné au pied de son autel, il y demeuroit long-temps à s'entretenir avec le (1) Ami de César.

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