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dit, par M. Caton, l'ennemi de Scipion, le somma en plein sénat, avec beaucoup d'aigreur et d'instance, de rendre compte des trésors du roi Antiochus dont il s'étoit emparé, et des autres dépouilles qu'avoit procurées la guerre d'Antioche; car dans cette expédition il avoit servi de lieutenant à son frère, qui portoit le nom d'Asiatique. Scipion se lève, tire de son sein un volume dans lequel il assure que l'état des sommes et des dépouilles qui ont été les fruits de la guerre, se trouve détaillé, qu'il l'avoit apporté pour être lu publiquement, ensuite déposé au trésor de la république ; Mais ajouta-t-il avec fermeté, on ne le lira point, et je n'essuyerai pas l'affront d'être obligé de me justifier d'une pareille accusation. En achevant, le héros met le volume en pièces, et le foule aux pieds, indigné qu'on osat demander raison de quelques sommes d'argent, à un citoyen à qui la république devoit son salut, son existence et sa gloire.

Réponse d'Annibal au roi Antiochus.

ON lit dans les mémoires anciens que le général Carthaginois paya d'une excellente plaisanterie la vanité du roi de Syrie. Ce prince lui montroit dans une vaste campagne les troupes qu'il destinoit à porter la guerre au pied du Capitole ; il affectoit de lui faire remar quer l'or et l'argent qui éclatoit sur les armures les chars garnis de faux, les éléphans chargés de tours, les colliers précieux, les freins l'équipage, et tous les ornemens superbes de sa cavalerie. Pensez-vous, dit Antiochus, ébloui du spectacle d'une armée aussi magnifique et aussi nombreuse, pensez-vous, Annibal, que

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credis Romanis hæc omnia? Tum Poenus eludens ignaviam imbelliamque militum ejus pretiosè armatorum: Satis planè, inquit, satis esse credo Romanis hæc omnia, etiam si avarissimi

sunt.

Tib. Sempronii Gracchi pulchrè gestum.

PULCHRUM, atque liberale, atque magnanimum factum Tib. Sempronii Gracchi in exemplis repositum est. Id exemplum hujuscemodi est L. Scipioni Asiatico, Scipionis Africani superioris fratri, cui M. Minutius augurius trib. pleb. mulctam irrogavit, eumque ob eam causam prædes poscebat. Scipio Africanus, fratris nomine, ad collegium tribunorum provocabat : petebatque, ut virum consularem, triumphalemque à college vi defenderent. Octo tribuni, cognitâ causâ decreverunt. Ejus decreti verba, quæ posui, ex annalium monumentis exscripta sunt: Quòd P. Scipio Africanus postulavit pro L. Scipione Asiatico fratre, cum contra leges, contraque morem majorum trib. pleb. hominibus accitis per vim inauspicato sententiam de eo tulerit, mulctamque nullo exemplo irrogaverit, prædesque eum ob eam rem dare cogat : aut si non det, in vincula duci jubeat: ut eum à college vi prohibeamus : et quòd contrà collega postulavit, ne sibi intercedamus, quò minus suapte potestate uti liceat: de ea re nostrûm sententia omnium data est: Si L. Cornelius Scipio Asiaticus, college arbitratu prædes dabit college, ne eum in vincula ducat intercedemus: si ejus arbitratu prædes non dabit,

c'en soit assez pour les Romains? Oui, répond le rusé Carthaginois, en se moquant de la foiblesse et de la lâcheté de ses brillantes cohor

tes, oui, Seigneur, c'en est assez pour les Romains, quelqu'avares qu'ils soient.

Beau trait de Tib. Sempronius Gracchus.

L'ANTIQUITÉ nous a conservé le trait de grandeur d'âme et de générosité de Tib. Sempronius Gracchus à l'égard de Scipion l'Asiatique, frère de l'ancien Scipion l'Africain. C. Minucius Augurinus l'ayant condamné à l'amende, le pressoit de donner des cautions. Scipion l'Africain, au nom de son frère appelle au college des tribuns, et les conjure de ne point livrer aux poursuites injustes de leur collègue un citoyen illustré par l'éclat des triomphes et du consulat. Huit tribuns ayant pris connoissance de la cause portèrent le décret

suivant :

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Publius Scipion l'Africain représente pour Scipion l'Asiatique son frère, que le tribun du peuple, contre les lois, contre la coutume de Rome, ayant ramasse par force des gens du peuple, vient de prononcer une sentence injuste contre Scipion, qu'il l'a condamné à une amende, dont il n'y a point d'exemple, qu'il l'oblige à donner caution, et qu'en cas de refus il ordonne qu'il soit conduit en prison. D'un autre côté notre collègue nous demande de ne point nous opposer ù l'exercice de son autorité; tel est sur cette affaire le décret que nous prononçons d'un commun avis: Lucius Cornélius Scipion l'Asiatique donnera caution à l'arbitrage de notre collègue, nous nous opposons à ce qu'on le conduise en prison: si Scipion refuse de donner caution à l'arbitrage de

quo minus collega suâ potestate utatur, non intercedemus. Post hoc decretum, cùm Augurinus tribunus plebis L. Scipionem prædes non dantem præhendi, et in carcerem duci jussisset: tum Tiberius Sempronius Gracchus trib. pleb. pater Tiberii, atque C. Gracchorum, cùm P. Scipioni Africano inimicus gravis, ob plerasque in republica dissensiones esset, juravit palàm in amicitiam, inque gratiam se cum P. Africano non redisse, atque ita decretum ex tabula recitavit. Ejus decreti verba hæc sunt: Cùm L. Cornelius Scipio Asiaticus triumphans, hostium duces in carcerem conjectaverit, alienum videtur esse à dignitate reipublicæ, in eum locum imperatorem pop. Rom. duci, in quem locum ab eo conjecti sunt duces hostium. Itaque L. Cornelium Scipionem Asiaticum à collegæ vi prohibeo.

Astutia Sertorii.

SERTORIUS, vir acer; egregiusque dux, et utendi, regendique exercitus peritus fuit. Is in temporibus difficillimis mentiebatur ad milites, si mendacium prodesset et litteras compositas pro veris legebat et somnium simulabat, et falsas religiones conferebat: si quid istæ res eum apud militum animos ajutabant. Illud adeò Sertorii nobile est : Cerva alba, eximiæ pulchritudinis, et vivacissimæ celeritatis, à Lusitano ei quodam dono data est. Hanc sibi obIatam divinitus, et instinctam Dianæ numine,

notre collègue, nous ne nous opposons point à ce que notre collègue use de son autorité.

Après cette sentence le tribun ayant ordonné qu'on privât de la liberté Scipion, qui refusoit de donner caution, on vit paroître tout-àcoup Tib. Sempronius Gracchus, tribun du peuple, père de Tibère et de C. Gracchus. Ce magistrat, dont Rome entière connoissoit la haine pour Scipion à l'occasion des affaires publiques, jura, au milieu de l'assemblée qu'il ne s'étoit point réconcilié avec l'accusé mais qu'il ne pouvoit, en cette occasion, s'empêcher de porter le décret suivant, qu'il prononça à haute voix : Cornélius Scipion ayant triomphe de l'Asie, et ayant fait jeter dans les prisons les chefs des ennemis, il paroît indigne de la majesté de la république de faire conduire le vainqueur et le libérateur du peuple Romain, dans les mêmes lieux où furent envoyés les vaincus; ainsi je défends L. Cornélius Scipion l'Asiatique, contre les poursuites de mon collègue.

Adresse de Sertorius.

SERTORIUS, cet esprit ardent et ce fameux général, excelloit dans l'art de gouverner et de conduire une armée. Lettres supposées ; songes imaginés, révélations feintes, tout entre les mains de ce grand capitaine, servoit à enflammer ou à rassurer le cœur du soldat ; et jamais, dans les circonstances difficiles Sertorius ne se fit scrupule de recourir à ces moyens. On en cite un trait singulier.

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Il avoit reçu d'un habitant de Lusitanie une biche d'une rare beauté, d'une blancheur éblouissante et de la plus grande légèreté. Guerriers, dit Sertorius à l'armée, vous voyez un présent

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