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la sève de Lesbos me paroît plus exquise. Personne ne se méprit à ce mot, et on sentit qu'il n'étoit pas possible de mettre plus d'agrément et de modestie dans le choix d'un successeur.

Ce Theophraste (1) étoit un insulaire de Lesbos, d'une douceur de style, et d'une aménité de mœurs charmantes. Ces qualités et le choix du grand maître, rassemblèrent toute l'école autour de lui après la mort du philosophe, qui arriva peu de temps après.

École de Pythagore (2).

LES traditions anciennes nous apprennent que Pythagore et tous les philosophes qui succédèrent au gouvernement de son école, ne se départirent jamais de l'usage et de l'ordre fixé pour l'admission et la culture de leurs disciples. Le récipiendaire étoit d'abord examiné selon les principes de la physionologie; c'est à-dire, qu'on cherchoit à démêler quelqu'indication de ses talens et de ses mœurs dans le caractère de sa figure, dans l'air de son visage dans sa configuration et dans toutes ses manières. Si ces recherches lui étoient favorables, et qu'on lui reconnût les qualités requises, il étoit reçu sur-le-champ, et on lui prescrivoit un certain temps, pendant lequel il devoit garder le silence le plus exact; ce temps n'étoit pas le même pour tous; le plus ou le moins de capacité reconnue, en abrégeoit ou en étendoit la durée.

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(2) Les disciples de Pythagore avoient tant de respect! pour les opinions de leur maître, que lorsqu'on cherchoit à les combattre, ils n'avoient à la bouche que ce mor

quâ philosophari discant, Alius ait : Hoc me primùm doce. Item alius: Hoc volo, inquit, discere, istud nolo. Hic à Symposio Platonis incipere gestit, propter Alcibiadis commessationem : ille à Phædro, propter Lysiæ orationem. Est etiam, inquit (proh Jupiter), qui Platonem legere postulet, non vitæ ornandæ, sed linguæ, orationisque comende gratiâ : nec ut modestior fiat, sed lepidior. Hac Taurus dicere solitus, novitios philosophorum sectatores cum veteribus Pytha goricis pensitans, Sed id quod non prætereundum est, quòd omnes simul, qui à Pythagora in cohortem illam disciplinarum recepti erant, quod quisque familiæ, pecuniæque habebant, in medium dabant, et cohibatur societas inseparabilis tanquam illud fuerit antiquum consortium, quod in re, atque verbo Romano ap, pellabatur Contubernium.

Protagoras,

PROTAGORAM virum in studiis doctrinarum egregium, cujus nomen Plato libro suo illi inelyto inscripsit, adolescentem aiunt, victûs quærendi gratiâ in mercede missum, vecturasque onerum corpore suo factitavisse. Is de proximo rure in Abderam oppidum, cujus popularis fuit, caudices ligni plurimos funicula brevi circumdatos portabat. Tum fortè Democritus civitatis ejusdem civis, homo antè alios virtutis et philosophie gratiâ venerandus, cùm

donner la loi, et prescrire aux maîtres la méthode qu'ils veulent embrasser. L'un dit hardiment: voilà ce que je veux qu'on m'enseigne d'abord; l'autre, c'est par cette discipline que je désire commencer, et non point par celle-là. Celui-ci brûle d'ouvrir sa carrière philosophique par le dialogue de Platon, pour y voir la peinture des excès d'Alcibiade: celui-là par son Phædre pour y admirer l'éloquence deLysias; n'en trouve-t-on pas, grands Dieux ! qui dans les écrits da divin philosophe, cherchent, non pas des idées de modestie, mais des leçons d'élégance; non pas des principes de morale pour la réforme du cœur, mais les ornemens du style et les grâces de l'élocution.>>

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C'est ainsi que Taurus avoit coutume de comparer les jeunes sectateurs de la philosophie avec les élèves de Pythagore. Il n'est pas inutile aussi de remarquer que tous ceux qui étoient reçus dans son école mettoient en commun leurs possessions et leurs revenus. Cette union des disciples formoit une société indissoluble, qui étoit l'image et la réalité de cette antique communauté de biens et de vie, dont celle-ci portoit le nom touchant et vénérable.

Protagoras.

ON dit que Protagoras, cet illustre philosephe, dont on trouve le nom au frontispice d'un des écrits de Platon, fut obligé pour vivre, pendant sa jeunesse, de faire le métier de portefaix. Il traversoit un jour la campagne, portant à Abdère une charge de bois fort lourde retenue par un lien très-court, lorsque Démocrite, son concitoyen, qui par hasard sortoit à ce moment de la ville, le rencontre et s'étonne

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egrederetur extra urbem, videt eum cum ille genere oneris tam impedito, ac tam incoibili, facilè atque expeditè incedentem. Et propè accedit, et juncturam, posituramque ligni scitè peritèque factam considerat: petitque ut paulùm acquiescat. Quod ubi Protagoras, uti erat petitum fecit: atque itidem Democritus acervum illum, et quasi orbem caudicum brevi vinculo compressum, ratione quadam quasi geometrica librari, continerique animadvertit: interrogavit, quis id lignum ita composuisset? Et cùm ille à se compositum dixisset deravit uti solveret, ac denuò in modum eumdem collocaret. At postquàm ille solvit, ac similiter composuit: tum Democritus animi aciem, solertiamque hominis non docti, demiratus Mi adolescens, inquit, cùm ingenium benefaciendi habeas, sunt majora melioraque, quæ facere mecum possis. Abduxitque eum statim, secumque habuit, et sumptum ministravit, et philosophias docuit, et esse eum fecit, quantus posteà fuit, Is tamen Protagoras insincerus quidem philosophus, sed acerrimus. sophistarum fuit. Pecuniam quippe ingentem cùm à discipulis acciperet annuam, pollicebatur se id docere, quânam verborum industriâ, causa infirmior fieret fortior.

Philosophi rhetoresque Româ pulsi.

CAIO Fannio Strabone, M. Valerio Messala consulibus, senatusconsultum de philosophis et

de l'aisance de cet homme à porter un fardeau dont les parties sembloient si difficiles à arranger. Il l'approche, il considère attentivement Part singulier qui avoit disposé les bûches et les avoit jointes ensemble, et il invite Protagoras à se reposer un moment (1).

Cependant le philosophe considère de plus près encore, et il s'aperçoit que ce fardeau disposé en rond et serré d'un lien très-court, étoit dans un équilibre géométrique. Ayant appris que c'étoit lui-même qui l'avoit arrangé de cette manière, et voulant s'en assurer; il le pria de le défaire et de le relier. Democrite, étonné de la facilité de l'exécution et plein d'admiration pour l'habileté et la finesse d'esprit de cet homme inculte, lui dit: mon enfant, avec le talent que vous tenez des dieux, vous pourez à mon exemple, vous occuper de choses plus utiles et d'une toute autre conséquence. Et sur-lechamp il l'emmène chez lui, le loge, le nourrit, lui enseigne la philosophie, et le fait parvenir à ce degré de science et d'illustration que tout le monde connoît.

On reproche néanmoins à Protagoras d'avoir été souvent un philosophe captieux et trèsamoureux des sophismes, puisqu'il promettoit aux disciples qui le payoient largement, de leur apprendre l'art de faire triompher une cause foible à force d'adresse et d'astuce dans le plaidoyer.

Les philosophes et les rhéteurs chassés de Rome.

Sous le consulat de C. Fannius Strabo et de M. Valérius Messala, il parut un sénatus-con(1) Philosophe Abdéritain chassé de Rome pour son impiété.

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